Tour de France - Cyrille Guimard : «Ben Healy... un autre fou de ce Tour de France»
Après dix jours de course intenses, la première semaine du Tour de France 2025 s'est terminée ce lundi avec l'étape du 14 juillet dans le Massif central. Le peloton va donc enfin pouvoir profiter d'un peu de répit et d'une première journée de repos bien méritée à Toulouse ce mardi. L'occasion pour les coureurs de souffler un peu... et pour notre cher chroniqueur Cyrille Guimard de débriefer pour Cyclism'Actu cette première moitié de Tour très animée pour rejoindre les Pyrénées depuis Lille ! Le calme et la maîtrise de Tadej Pogacar (UAE Team Emirates-XRG) face à la fébrilité de Jonas Vingegaard (Visma | Lease a Bike), la folie de Ben Healy (EF Education-EasyPost) et de certaines étapes, des Français sans victoire et à leur place malgré la Kévin Vauquelin-mania (Arkéa-B&B Hotels) et le maillot à pois de Lenny Martinez (Bahrain Victorious)... le "Druide" a comme toujours livré des avis sans langue de bois et des analyses tranchées pour faire un tour d'horizon complet à mi-chemin de cette 112e édition. On aime ou on n'aime pas, mais c'est à lire et/ou à regarder ci-dessous !
Vidéo - La chronique Cyrille Guimard à la moitié du Tour de France
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Bonjour Cyrille Guimard, première journée de repos de ce Tour de France 2025, après une première très très longue semaine, 14 juillet oblige. Pas trop fatigué après ces dix jours de course intenses ?
Non, ça va très très bien. En fait, il n'y a pas eu de montagne donc je ne suis pas fatigué (rires). On n'a pas encore sur cette première semaine attaqué le premier plat de résistance avec les Pyrénées et pourtant il y a déjà une hiérarchie qui s'est mise en place, avec des enseignements quand même relativement intéressants.
"On a vu des trucs fous... Ben Healy, un autre fou de ce Tour de France"
Qu'est-ce que tu retiens de ces dix premiers jours à travers le Nord, le Normandie, la Bretagne et le Centre ? On est enfin arrivé dans les Pyrénées mais il s'est quand même passé pas mal de choses sur ces dix premiers jours.
Beaucoup de choses, d'abord la course a été vivante, intéressante mais c'est toujours le cas lorsqu'on ne met pas un prologue pour commencer. Il y a eu une valse des maillots jaunes aussi puisqu'on en est rendu au quatrième je crois, avec avantage Van Der Poel quatre jours en jaune, Pogacar seulement trois. Les choses risquent de s'inverser d'ailleurs. On a vraiment eu une course qui a bougé et atypique, quand on voit l'échappée de Van Der Poel avec Rickaert où il se fait rejoindre à 700 mètres de la ligne d'arrivée. Des trucs fous, oui on peut dire des trucs fous. Ben Healy, un autre fou de ce Tour de France, de ce peloton. Une course qui a été quand même très intéressante avec un contre-la-montre qui a un peu hiérarchisé les positions au niveau du classement général.
"Tadej Pogacar court juste... et en face, on sent une fébrilité chez Vingegaard, il n'est pas serein"
Quand on voit tous les noms des vainqueurs d'étape, on n'a que des très grands champions au palmarès en dix journées, c'est assez impressionnant.
Oui, on n'a que des tops, que ce soit les sprinteurs avec Tim Merlier, Philipsen qui malheureusement a quitté le Tour un peu rapidement, Milan. On a eu tout ce que l'on peut espérer dans une première semaine de Tour où la montagne est absente... mais pas les côtes. La Normandie était quand même assez accidentée, la Bretagne également. Vraiment un beau début de course, une belle semaine. Et puis on a quand même un certain nombre d'enseignements. Parmi ceux qui me paraissent les plus importants, c'est la façon de courir de Tadej Pogacar. Pogacar qui a dû acheter un paquet de bonbons de sagesse et qui maîtrise la course, mais qui la maîtrise bien, intelligemment, qui fait les efforts au moment où il faut les faire, c'est-à-dire qu'il n'en a pratiquement pas fait depuis le départ, en dehors du contre la monte mais là tout le monde est à égalité.
Non, il court juste. Et en face, on sent une fébrilité chez Vingegaard qui n'est pas serein, qui essaie de se rassurer au travers de mouvements de course. Mais pour l'instant, prendre en défaut Pogacar, ça n'était pas possible cette première semaine. Et puis je l'ai dit, dans cette première semaine, les favoris du Tour n'ont pas donné un coup de pédale, toujours à l'abri dans les roues de leur train. Donc ils vont attaquer la montagne après Toulouse en pleine possession de leurs moyens, avec un petit handicap quand même pour Pogacar : c'est Almeida qui a été obligé de rentrer à la maison malheureusement. Toutes les autres équipes ont encore toutes leurs cartes.
Justement, tu donnes avantage aux points à Pogacar sur cette première semaine ? Puisqu'on a quand même l'impression que c'était un parcours qui lui correspondait plus, avec des efforts très punchy, et il n'a jamais réussi à décrocher Jonas Vingegaard, à part sur le chrono évidemment. Ce n'est pas quelque chose qui peut être inquiétant pour la suite, surtout après avoir perdu Almeida ?
Non, c'est ce qui me rassure moi (rires) ! Pourquoi faire des efforts ? Les efforts qu'il a faits, ça a été pour aller chercher des bonifs, quelques secondes à droite, quelques secondes à gauche. Mais il l'a fait sur deux coups de pédale, c'est-à-dire sans se rentrer dedans, même sur l'étape de lundi au Mont-Dore. Il a attaqué à un moment où ça commençait un petit peu à l'énerver, où il fallait un petit peu remettre les choses dans l'ordre. Mais il a fait quoi ? Il a fait 800 mètres et puis il s'est rassis, Vingegaard était bien content d'ailleurs. Et ça a permis à Lenny Martinez de pouvoir rouler devant Pogacar. Une scène cocasse oui, mais c'est une belle image. Il pourra la mettre dans son salon en disant « Regardez, là c'est moi qui roule, je leur fais mal ». Pour revenir à Pogacar, en tout, il a fait deux kilomètres d'effort depuis le début, indépendamment du chrono bien sûr.
"Lenny Martinez peut rêver du maillot à pois... si Pogacar ne se bat pas pour aller chercher tous les maillots"
On a parlé un peu des deux cadors du Tour, du bal des champions depuis le début de cette 112e édition.Les Français, est-ce qu'ils y ont été conviés ou pas ? Pas de victoire d'étape. On a quand même vu une petite Vauquelin-mania sur ces dix premiers jours. Alors on a l'impression qu'avec la montagne qui arrive, ça va un peu se calmer. Qu'est-ce que tu as pensé toi de cette première semaine des Français ?
Malheureusement, et je me répète à chaque fois et depuis des années, on est à notre place. On est très heureux de la progression, de la maturité qu'est en train de prendre Vauquelin. Il a montré quand même quelques limites au puits de Sancy. Mais tout ce qu'il a fait depuis le début du Tour est bien, son contre-la-montre aussi, qui a été une très belle performance. Mais on est à notre place. Le deuxième Français, là aussi, c'est une bonne surprise. C'est Jordan Jegat, qu'on va retrouver dans le top 15 aujourd'hui. Mais pour le classement général, non, on n'est pas dedans. Pour les sprints, on n'est pas dedans. Mais ça, on le savait avant le départ.
L'autre satisfaction, c'est Lenny Martinez. Il avait eu un départ de Tour très compliqué, surtout dans les bosses de Cassel, entre autres. Il s'est refait une petite santé, malgré une petite bourde, lorsqu'il est parti faire un raid, alors qu'il eût été beaucoup plus sage de rester tranquillement dans le peloton. Peut-être que s'il n'avait pas fait ce raid, hier il serait allé jouer la gagne dans le final. Il est allé chercher le maillot à pois, qu'il portera demain (mercredi). Je pense que c'est un bel objectif sur lequel il peut s'accrocher. Il a une autre chance dans son équipe, c'est que Buitrago est hors du coup et qu'il est le seul et unique leader. Ça veut dire un autre statut, il va donc être protégé maintenant en permanence.
Oui, il peut rêver d'un maillot à pois aux Champs-Elysées. Maintenant, il y a 5 arrivées au sommet. Il faudra quand même aller prendre des points dans ces arrivées, parce qu'on retrouvera vraisemblablement le podium du Tour dans ces arrivées, bien sûr. Plus le contre-la-montre qui est aussi en côte. Ça va être difficile, mais s'il court bien c'est possible. Et aussi si Pogacar ne se bat pas pour aller chercher tous les maillots, car s'il les veut, il ira les chercher. Mais on a cru comprendre, c'est ce qu'on a vu cette première semaine et c'est ça l'enseignement principal, c'est qu'aujourd'hui, il court à l'économie, intelligemment, et il court en fonction d'un objectif précis : être en jaune à Paris. Tout le reste l'indiffère totalement... jusqu'à aujourd'hui.
"Pogacar contre tout le monde... il ne faut pas qu'il ait un jour sans"
Si on se projette un petit peu, on a les Pyrénées qui arrivent. Tu vois quoi comme scénario ? Le Tour écrasé par Pogacar à Hautacam et dans le contre-la-montre de Peyragudes, ou alors une belle bataille avec Vingegaard et tous se jouera dans les Alpes ?
Je pense que nous allons avoir Pogacar un petit peu contre tout le monde. On parle de Vingegaard, mais Matteo Jorgenson est quand même quelqu'un sur lequel il faut garder les yeux grands ouverts, parce que qui dit qu'il n'est pas plus fort que Vingegaard ? Ils ont quand même deux cartes qui sont plus que très intéressantes. Est-ce qu'il faut retirer Roglic et Lipowitz du classement ? C'est peut-être difficile de le dire aujourd'hui. D'autant que la haute montagne change souvent les rapports de force. Mais je pense que s'il continue à courir comme il court, en défense et non pas en attaque - l'attaque, elle viendra toute seule naturellement - Pogacar est bien parti. Une chose est certaine, il ne faut pas qu'il ait un jour sans. Pour ne pas avoir un jour sans, il faut qu'il coure à l'économie TOUS les jours.
"Une victoire française... je vais me mouiller et dire personne"
La prochaine journée de repos va arriver très vite. On ne va avoir que 5 jours de course entre-temps. Est-ce que le compteur de victoire des Français sera débloqué d'ici lundi prochain ?
Si on laisse partir des coups de loin, avec des Français étant quand même de bons, voire de très bons grimpeurs, car les puncheurs ne seront pas là. Eventuellement à Carcassonne. Mais de victoire française à la pédale, non, ça se saurait. Sur des échappées au long cours, c'est possible. Mais ce sera en annexe de la vraie course. Mais qui ?
On pense à Lenny Martinez ou à Jordan Jegat par exemple ?
Avec le maillot à pois tel qu'il l'a là, ce n'est peut-être pas évident. D'autant que Ben Healy ne va pas garder le maillot Jaune trop longtemps, et le maillot à pois, ça peut l'intéresser aussi. Il marche pas mal, le petit Irlandais.
"Ben Healy ? S'il avait un sens de la course aiguisé, il pourrait avoir un autre palmarès mais..."
Tu en penses quoi de Ben Healy ? On sait que c'est un baroudeur hors pair. Après, il a tendance à avoir des variations de niveau parfois assez importantes. Mais là, sur ce Tour de France, il est à un niveau fantastique.
Il a surtout des variations de comportement au niveau de la course. Mais ça fait partie du folklore. Il n'a pas une sensibilité extraordinaire de la course. Enfin, du sens de la course. Mais il a quand même des chevaux. Et puis, on l'a vu arriver déjà des juniors. C'est sûr que s'il avait le sens de la course aiguisé, il pourrait aujourd'hui avoir un autre palmarès. Mais c'est sa façon de courir. Chacun a la sienne. On parlait de Van Der Poel tout à l'heure. On a vu Van Aert il y a quelques années aussi. Ils sont dans un autre registre. Mais il en faut.
Côté français, pour une victoire d'étape, je suis désolé ce n'est peut-être pas original, mais je vais me mouiller pour personne et aucune victoire.
On espère en tout cas que tu te tromperas et qu'on aura à célébrer une ou plusieurs victoires d'ici lundi prochain.
Je l'espère aussi (rires) !
Anthony Jeanjean, premier rider de l’histoire à réussir ça