ITW - Lappartient : «Il faut un dialogue entre l'UCI & ASO»
Par Christian-Olivier KOUKA le 09/03/2016 à 12:16
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Président de la Fédération Française de Cyclisme (FFC) depuis 2009, et de l'Union Européenne de Cyclisme (UEC) depuis 2013, David Lappartient est un homme au planning très chargé. Toutefois, il a su trouver du temps pour répondre aux questions de Cyclism'Actu dont il est "un lecteur régulier". Bilan des mondiaux sur piste, Grégory Baugé, les vélos motorisés, son mandat à FFC ou encore ses ambitions à l'UCI, David Lappartient n'élude rien.
Vous étiez présent aux championnats du monde sur piste à Londres (du 2 au 6 mars). Quel bilan peut-on tirer des performances de l'équipe de France ?
C'est un maigre bilan. Il ne faut pas se voiler la face. La réussite n'a pas été celle que l'on escomptait. L'année dernière, nous avions eu cinq médailles d'or. Nous avions gagné les quatre épreuves du sprint en 2015, zéro cette année. Nous avons deux médailles d'argent et une de bronze ; une seule médaille néanmoins dans une discipline olympique, celle de Laurie Berthon en Omnium. C'est quand même un maigre bilan, je le répète, et loin de nos espérances.
Des têtes d'affiche comme Grégory Baugé ou François Pervis ont clairement indiqué que les Mondiaux n'étaient pas un objectif et que seuls les Jeux comptaient. De nombreux observateurs ont trouvé cela irrespectueux du maillot de l'équipe de France et des supporters qui avaient fait le déplacement. Quel est votre avis ?
Bien sûr que nous aurions préféré qu'ils aient le maillot de champion du monde. Je dirais qu'ils seront pardonnés s'ils ont les médailles olympiques autour du cou. Je n'ai pas de doute sur la qualité de leur entraînement, sur l'engagement de ces coureurs à être performant aux Jeux olympiques. En 2012, Baugé était champion du monde et Jason Kenny champion olympique. Ce coup-ci, Kenny est champion du monde, souhaitons donc que Baugé gagne l'or olympique.
Je crois que nos sprinteurs français travaillent dur. Baugé revient à un niveau acceptable sans être encore le grand Grégory Baugé ; François Pervis a quelques soucis personnels à régler mais je suis convaincu qu'il peut être performant. Toutefois, il faut quand même que nous tirions le bilan de ces championnats du monde afin de comprendre ce qui a dysfonctionné. Mais je reste confiant dans nos capacités à briller à Rio.
La saison sur route est désormais bien lancée, quel est le souhait du président de la FFC?
Je souhaite un cyclisme français qui continue de performer. Je veux qu'il soit aussi performant qu'en 2014 où nous avions fait 2e avec Jean-Christophe Péraud et 3e avec Thibaud Pinot sur le Tour de France mais aussi 6e avec Romain Bardet. Je souhaite un cyclisme français conquérant qui puisse gagner les plus grandes épreuves au monde ; un cyclisme français qui puisse gagner, pourquoi pas, une médaille aux JO.
Le circuit est très difficile. Bien qu'une course d'un jour est aléatoire, nos coureurs seront dans le coup, j'en suis persuadé. Je pense à ceux qui grimpent particulièrement… Je ne vais pas dire la sélection alors qu'elle n'est pas encore faite et je ne la connais pas. Mais on a quelques idées sur ceux qui pourraient être là-bas. Depuis quelques années, nous avons relevé la tête. Le cyclisme français est performant, notamment chez les dames avec Pauline Ferrand-Prévot.
"Il faut que le dialogue l'emporte entre l'UCI et l'ASO"
Il y a quelques semaines, l'UEC, que vous présidez, était montée au créneau lors de l'affaire du moteur trouvé dans un vélo lors des Mondiaux de cyclo-cross. Sur quels leviers, pouvez-vous concrètement agir ?
Les seuls leviers sur lesquels nous pouvons agir à l'UEC sont incitatifs puisque la prérogative de contrôle est du ressort de l'UCI. Un travail très fort est fait par l'UCI aujourd'hui ; les vélos ont été contrôlés à Paris-Nice et aux Mondiaux sur piste. Environ plus de 4000 contrôles seront effectués cette année. Je proposerai lors du congrès de l'UEC le 13 mars une contribution à l'UCI en plusieurs points. Moi ce que je souhaite c'est que l'on renforce les contrôles, que nous puissions inscrire un délit pénal sur la fraude technologique ce qui permettrait aussi à la justice de saisir des vélos éventuellement. Cela me semble important.
Je souhaite également un renforcement du dispositif de sanctions qui à mon avis n'est pas assez dissuasif à l'heure actuelle. Il faudrait des sanctions financières et des suspensions à vie ; c'est ce que nous demandons pour toutes les personnes impliquées dans ce type d'affaire. Je propose aussi de créer un observatoire de la performance qui permettrait, avec les outils technologiques d'aujourd'hui, d'avoir des clignotants d'alerte sur des performances anormales afin de faire les contrôles auprès des vélos concernés et de pouvoir saisir voire même casser s'il le faut pour le démonter. Voilà quelques éléments du plan d'action de l'UEC.
Pouvez-vous jouer un rôle de médiateur dans la brouille entre l'UCI et ASO (organisateur notamment du Tour de France) ?
C'est un dossier complexe puisque je représente l'UCI dans les négociations. Néanmoins, je suis conscient de certains arguments avancés par ASO. Je milite, je prône, j'œuvre pour qu'il y ait un rapprochement entre UCI et ASO. Ces deux entités ne peuvent être en guerre au regard de leur poids. L'une est le gouvernement du cyclisme, l'autre est l'acteur économique majeur au niveau mondial. Je n'ai jamais vu la Russie et les Etats-Unis entrer en guerre directe. C'est impossible que nous le soyons dans le cyclisme. Ce serait destructeur pour tout le monde. Il faut que le dialogue l'emporte dans l'intérêt des deux parties et dans celui du vélo en général. C'est le sens de mon message.
Devenir président fait-il partie de vos ambitions à moyen terme ?
C'est une question qui peut naturellement se poser. Mais elle renvoie elle-même à deux questions. Suis-je intéressé par la fonction ? Je n'ai jamais caché que la gouvernance du cyclisme mondial est quelque chose de passionnant. C'est pour cela que je suis président de l'UEC. Le fait d'exercer des responsabilités ne m'a jamais fait peur dans l'intérêt général du vélo. Très certainement qu'à l'avenir, la présidence de l'UCI pourrait m'intéresser. La question est : à quelle échéance ?
Propos recueillis par Christian-Olivier KOUKA pour Cyclism'Actu.
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