INTERVIEW - Morgan Saussine : «La data n’est pas là pour décider à notre place...»

Par Titouan LABOURIE le 18/12/2025 à 20:24

INTERVIEW - Morgan Saussine : «La data n’est pas là pour décider à notre place...»
INTERVIEW
Photo : @Cyclismactu / @XDSAstana

Morgan Saussine, Data Scientist au sein de l’équipe XDS Astana, a ouvert à Cyclism'Actu les coulisses d’un poste encore rare dans le cyclisme professionnel. Entre collecte et analyse des données, création de dashboards et modélisation des performances, il explique comment la data guide les décisions stratégiques de l’équipe, de la programmation des courses à l’optimisation des points UCI. Un entretien passionnant avec le Français... l'un des seuls Data Scientist du peloton.

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"Un rôle encore relativement récent dans le cyclisme professionnel"

Peux-tu te présenter et expliquer ton rôle au sein de l’équipe XDS Astana ?

Je m’appelle Morgan Saussine, je suis Data Scientist au sein de l’équipe XDS Astana. Pour bien comprendre mon poste dans une équipe cycliste, il faut avoir une vision assez large de ses missions. C’est un rôle encore relativement récent dans le cyclisme professionnel : toutes les équipes n’en sont pas encore dotées et, lorsqu’il existe, le département data se limite souvent à une seule personne, ce qui diffère fortement d’autres industries. Mon rôle consiste avant tout à être en support du pôle performance sur l’ensemble des sujets liés à la donnée. Cela comprend une partie de data engineering, avec la collecte, l’agrégation, le nettoyage et la structuration de données provenant de nombreuses sources : capteurs des coureurs, résultats, profils de courses, recrutement, etc.

Vient ensuite la partie data analyse, qui se traduit souvent par la création de dashboards destinés aux coaches, aux directeurs sportifs ou encore au staff performance, afin de répondre à des problématiques précises. Enfin, il y a un volet plus orienté data science, où l’objectif est de modéliser et d’anticiper certaines performances ou scénarios à partir des données disponibles.

 

Peux-tu revenir sur ton parcours et expliquer comment tu en es arrivé à travailler dans le cyclisme professionnel ?

Mon parcours est assez atypique par rapport à d’autres profils du peloton. À l’origine, je viens de l’ingénierie financière, un domaine qui mêle mathématiques, statistiques, programmation et finance. J’ai travaillé pendant une dizaine d’années dans la finance de marché. Au bout de dix ans, j’ai décidé d’opérer un virage professionnel. J’ai conservé mes compétences en mathématiques, statistiques et programmation, mais j’ai remplacé la finance par ma passion : le vélo. Je n’ai jamais été coureur professionnel et je n’ai pas non plus de formation initiale en physiologie. J’aime le vélo, l’entraînement, mais mon vrai apport se situe clairement sur les aspects analytiques et techniques.

 

La saison 2025 de l’équipe a été marquée par un redressement spectaculaire, notamment en termes de points UCI. Quel a été ton rôle dans cette dynamique ?

Dès la fin de la deuxième année du cycle, en 2024, le management et le Head of Performance avaient identifié un objectif très clair pour la saison suivante : maximiser le nombre de points UCI. C’est à ce moment-là que j’ai intégré l’équipe. Ma première mission a été de produire des analyses destinées à aider le Head of Performance et les directeurs sportifs dans la construction du calendrier. L’objectif était d’optimiser le nombre de jours de course, de cibler les épreuves les plus pertinentes et d’identifier celles où nos coureurs pouvaient être les plus performants en fonction de leurs profils.

La data est utilisée comme une aide à la décision. Les décisions finales reviennent toujours à des personnes avec une grande expérience du cyclisme, mais les chiffres permettent d’appuyer, de nuancer ou parfois même de faire émerger de nouvelles idées. Toutes les courses ne se valent pas, même à niveau UCI équivalent, et il faut aussi analyser les startlists, les rosters et le niveau réel de concurrence.

"La data peut éclairer la stratégie sportive"

Certains choix de calendrier, comme le fait de privilégier le Tour de Turquie plutôt que le Tour des Alpes, ou de ne pas participer au Tour d’Algarve, illustrent-ils cette approche ?

Oui, ce sont de très bons exemples. Dans ces cas précis, l’analyse montrait un écart clair en termes de concurrence et de potentiel de points. Le Tour d’Algarve, par exemple, présente souvent un plateau digne d’une épreuve World Tour. À l’inverse, certaines autres courses offrent davantage d’opportunités en fonction des profils de nos coureurs. Encore une fois, l’analyse ne fait pas tout. D’autres paramètres entrent en jeu : la disponibilité des coureurs, leur état de forme, la programmation de la saison, ou encore les ajustements en cours d’année. Mais ces choix illustrent bien la manière dont la data peut éclairer la stratégie sportive.

 

La saison suivante est déjà en préparation. L’objectif restera-t-il le même ?

Ce n’est pas à moi de répondre à cette question. Les objectifs sont définis par le management, le pôle performance et les directeurs sportifs. De mon côté, quel que soit l’objectif fixé, mon rôle restera le même : fournir des analyses et des données pour aider à la prise de décision.

 

Comment vois-tu l’évolution de ton poste et du département data à l’avenir ?

Je pense que nous en sommes encore au tout début. La donnée est présente dans le cyclisme depuis longtemps, mais la maturité des départements data reste faible, notamment parce qu’ils sont souvent réduits à une seule personne. Si l’on compare avec d’autres secteurs comme la finance, on observe une forte spécialisation des rôles. À terme, ces postes devraient évoluer et se structurer davantage : data engineers, data analysts, data scientists, chacun avec des missions plus ciblées. Les grandes équipes investissent déjà beaucoup dans ce domaine, soit en interne, soit via des partenaires externes. Personnellement, j’apprécie beaucoup ce rôle très transversal, presque “full stack”, qui couvre toute la chaîne de la donnée. Mais il est évident que ce métier est amené à évoluer et à se professionnaliser encore davantage dans les années à venir.

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