INTERVIEW - Thomas Voeckler : «Une saison 2026 plus ouverte, ça serait sympa...»

Par Titouan LABOURIE le 14/11/2025 à 20:40. Mis à jour le 20/11/2025 à 08:00.
INTERVIEW - Thomas Voeckler : «Une saison 2026 plus ouverte, ça serait sympa...»
INTERVIEW
Photo : @Cyclismactu / CyclismActu.net

Ancien coureur emblématique, désormais sélectionneur de l’équipe de France et consultant télé à France Télévisions, Thomas Voeckler ouvre l’intersaison 2025-2026 dans un cyclisme secoué par la domination écrasante de Tadej Pogacar et l’inflation des budgets au plus haut niveau. Pour Cyclism'Actu, il revient sans détour sur les Mondiaux et les Championnats d'Europe enchaînés, la progression fulgurante des jeunes Français, les inquiétudes économiques et sécuritaires et les espoirs tricolores pour 2026.

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"Compte tenu de la place du cyclisme français..."

Bonjour Thomas, en cette intersaison, comment allez-vous ?

Très bien. Comme pour tous les acteurs du cyclisme, c'est une période creuse, mais cela ne veut pas dire qu'il ne se passe rien. On réfléchit, on travaille, on anticipe, on observe. C’est toujours particulier : pendant des mois, on est en déplacement, on vit au rythme des courses et de l’actualité. L’intersaison, ça fait un petit vide… mais on apprécie d’autant plus quand ça repart.

 

Vous avez d’ailleurs terminé la saison sur une période particulièrement chargée, avec les Mondiaux puis les Championnats d'Europe enchaînés en quelques semaines. Quel bilan tirez-vous de cette séquence, personnellement et sportivement, pour l’équipe de France ?

Depuis l’apparition du Championnat d’Europe, en 2016 ou 2017, on se retrouve souvent avec deux grandes échéances très rapprochées – trois les années olympiques. Cette année, tout s’est enchaîné. Le dimanche de la course en ligne des Mondiaux à Kigali, on avait déjà du personnel en France pour l’Euro, car les chronos débutaient le mercredi. C’était intense : physiquement, ça va encore, mais mentalement, il faut préparer les deux rendez-vous de la même manière. En 2026, ce sera encore costaud : Mondiaux au Canada, puis dès le week-end suivant, Euro en Slovénie avec le décalage horaire. C’est pour toutes les nations pareil, il faut faire des choix.

Compte tenu de la place du cyclisme français au niveau international, je suis fier du comportement de mes coureurs. Au Mondial, on avait deux malades, dont l’un qui aurait pu être dans le final avec Pavel Sivakov et Paul Lapeira. Ils étaient dans le match… mais dans le match derrière Remco et Pogacar. À l’Euro, c'était pareil. La start-list était digne d’une grande classique : Ayuso, Vingegaard, Pogacar, Evenepoel… tous les pays avaient aligné leurs meilleurs éléments. La grande satisfaction, c’est la prestation de Paul Seixas. On avait bâti autour de Romain Grégoire et, si ça ne marchait pas, d’autres auraient leur chance. Paul a explosé les attentes. À son âge, c’est impressionnant. Je n’aime jamais repartir sans victoire, mais objectivement, l’équipe de France n’a pas à rougir. Certains se sont surpassés. On ne gagne pas car il y a plus fort aujourd’hui.

 

"Paul Seixas ? Je ne me permettrais pas de..."

Justement, parlons de la place actuelle du cyclisme français. Beaucoup évoquent une formidable homogénéité, mais l'absence d’un coureur du calibre d’un top 10 mondial. Partagez-vous ce constat ?

Oui. On est montés jusqu’à la deuxième, parfois la première place mondiale vers 2020-2021. En 2024, on était cinquièmes. On navigue entre la quatrième et la septième place. Cela montre une densité incroyable… mais aujourd’hui, une poignée de coureurs monopolise les victoires et donc les points. Sans une ou deux têtes d’affiche capables de jouer la gagne à chaque fois, c’est presque impossible de rivaliser au classement par nations. Mon rôle, c’est donc de créer un collectif qui, le jour J, peut faire basculer la course, surprendre les meilleurs… même si, sur des parcours très exigeants, la stratégie compte moins. Mais deux locomotives arrivent : Paul Seixas et Paul Magnier. Dans des registres différents, mais ce sont deux énormes potentiels. Et d’autres sont en embuscade. D’ici un an, on parlera peut-être de nouveaux noms.

 

On parle beaucoup de Paul Seixas. Pour 2026, qu’attendez-vous de lui, en tant que sélectionneur mais aussi amateur de cyclisme ?

Je sors un peu de mon rôle : j’adore le vélo et quand un talent pareil émerge, on rêve tous. Ce qui m’a marqué chez Paul, c’est sa progression physique. Il n’a pas beaucoup couru en 2025, mais chaque fois qu’il revenait, il était plus fort. Il a progressé en puissance, mais aussi dans sa manière de courir : toujours juste. Sa course des Mondiaux, sur un tracé aussi dur, lui a fait passer un cap mental. Ce que j’attends ? Pas des résultats. De la progression. Qu’il continue son chemin, qu’il gère les attentes et qu’il avance vers le plus haut niveau, sans brûler les étapes.

 

Si vous étiez manager de l’équipe Decathlon CMA CGM, quel Grand Tour lui feriez-vous courir en 2026 ?

Je ne me permettrais pas de répondre à la place de l’équipe. Ils ont des gens compétents pour ça. Mon avis, c’est que Giro, Tour ou Vuelta, ça ne changera pas sa carrière. On en parle beaucoup parce qu’on a envie de le voir sur le Tour, mais pour moi, l’enjeu est ailleurs. Ce n’est pas la participation à un Grand Tour en particulier qui fera sa future trajectoire.

 

"Tadej Pogacar, c'est admirable... mais ennuyant"

Un mot sur la saison 2025, marquée par une domination impressionnante d’UAE Team Emirates XRG et de Tadej Pogacar. Admirable, historique, ennuyant ?

Pogacar est admirable. Ce qu’il fait est incroyable, avec une simplicité et un plaisir de courir qui forcent le respect. Mais oui : c’est ennuyant. Aux championnats d’Europe, l’intérêt de la course était… pour la troisième place. Le public regardait qui sera sur le podium. On ne peut pas dire que ce soit idéal pour le suspense. La domination d’UAE pose aussi question pour les adversaires. Quand une équipe recrute les meilleurs jeunes talents, a les moyens de tout optimiser et évolue peut-être dans un cadre financier différent de celui d’équipes sponsorisées par des entreprises traditionnelles, on finit par déréguler le marché. Pour exister aujourd’hui dans le top 10 mondial, il faut un budget qui a doublé par rapport à il y a cinq ans. Ce n’est pas soutenable pour tout le monde.

 

Justement, de nombreux dirigeants évoquent des pistes de régulation : salary cap, budget cap, redistribution… Qu’en pensez-vous ?

J’y réfléchis, mais je n’ai pas de solution miracle. Un plafond budgétaire pourrait aider, mais il faudrait une volonté commune. Le rugby montre que même avec un salary cap, il peut y avoir des dérives. Le problème, c’est qu’une arrivée massive d’argent a tout fait exploser : les salaires, les budgets, les exigences. Certains équipiers n’en profitent même pas. Beaucoup d’entreprises ne peuvent plus investir dans le vélo comme avant : les montants sont trop élevés. Mettre un frein à cette inflation serait bénéfique, mais cela demanderait une coordination énorme entre les équipes, l’UCI, les organisateurs…

 

"Je pense qu’il faut préserver la gratuité du vélo"

Autre débat : rendre certains passages du Tour de France payants ou mieux redistribuer les droits TV. Bonne idée ?

Je pense qu’il faut préserver la gratuité du vélo : c’est un symbole fort. Mais on peut imaginer quelques zones premium très limitées, pour attirer des partenaires ou des décideurs et créer du business. Et puis je pense que si vous parlez à Christian Prudhomme de faire payer les 5 derniers kilomètres de l'Alpe d'Huez, vous ne fairez pas longtemps dans son bureau. Sur les droits TV, il faut savoir que beaucoup de courses paient pour être diffusées. Les grands organisateurs gagnent de l’argent sur certaines épreuves, mais en perdent sur beaucoup d’autres. Une redistribution pourrait aider, mais cela ne rééquilibrera pas le rapport de forces entre une équipe comme UAE et une formation plus modeste.

 

La sécurité des coureurs est aussi un sujet majeur, en course comme à l’entraînement. Avez-vous un message à faire passer ?

C’est un sujet qui me touche profondément. On parle des professionnels blessés, mais des cyclistes anonymes meurent chaque semaine sur les routes. Il faut continuer la prévention, rendre les cyclistes visibles, mais la responsabilité première reste celle des conducteurs. À l’entraînement, j’ai peur parfois, même en étant visible, éclairé, prudent. Il faut marteler le message. En course, il y a eu une vraie amélioration en 2025. Moins de chutes graves, une prise de conscience collective, et un énorme travail des organisateurs sur la signalisation. En tant que consultant sur moto, je peux dire que la différence entre quand j'ai pris ma retraite, il y a 8 ans et maintenant est énorme. On en a moins parlé parce que les choses se sont améliorées.

 

Pour finir : qu’attendez-vous de la saison 2026 ?

Un peu plus de suspense. J’adore Pogacar, mais quand il prend le départ, le suspense est souvent limité. Cela pousse certains coureurs à éviter les courses où il est présent, sauf le Tour où tout le monde doit aller. Côté français, je suis optimiste. On a beaucoup de jeunes capables de monter d’un cran : Romain Grégoire, Kevin Vauquelin, Paul Magnier… Si certains franchissent ce palier pour devenir des outsiders réguliers, voire plus, on vivra une belle saison. Une saison 2026 plus ouverte, plus indécise : ce serait parfait.

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