Chronique - Marc Fayet, sa lettre à Guillaume Di Grazia : «Adieu l’ami… »
L’ancien journaliste sportif Guillaume Di Grazia est décédé à l’âge de 52 ans lors d’une fête taurine dans le Gard. Après avoir été diplômé de l’ESJ Paris, Di Grazia avait rejoint la rédaction d’Eurosport comme stagiaire en 1999. Cette année, il avait été suspendu par la chaîne du groupe Discovery pour un "comportement inapproprié à l’encontre d’une maquilleuse", puis une seconde fois en juillet, ce qui l’avait privé du Tour de France. Notre chroniqueur Marc Fayet a envoyé ce message à Cyclism’Actu la nuit dernière : "Je perds un ami sincère. Je suis très très triste. Si vous pouvez Cyclism’Actu diffuser ma lettre en hommage. Mais pas dans la rubrique habituelle, elle n'aurait pas sa place. Ce n'est pas un carnet secret, c'est une lettre à l'ami... Irremplaçable. Je vous remercie."
Vidéo - Marc Fayet, organisateur du Tour du Finistère
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"Je te pleure sincèrement comme des milliers et des milliers de téléspectateurs-auditeurs…"
"Tu étais un écorché Guillaume mais aussi un passionné, un homme d’une extrême sensibilité qui savait ou ne savait pas cacher ses fêlures toutes masquées par ta passion du journalisme sportif, mais aussi de toutes tes curiosités car tu n’étais jamais rassasié de la connaissance quelle qu’elle soit. C’est ce que j’admirais en toi, ce que je tentais de partager humblement car j’aimais te suivre dans tes emportements, tes émotions car elles étaient toujours profondément sincères. Nous avons tellement et tellement échangé tous les deux sur ce qui était le plus intense, c’est-à-dire l’âme du cyclisme dont tu avais instinctivement et amoureusement adopté l’histoire comme les travers. Tu savais transmettre tes connaissances, tes découvertes, tes goûts qui étaient multiples. Ton attirance pour les autres, ton désir et ton besoin de les découvrir était ta principale qualité. Je te pleure sincèrement comme des milliers et des milliers de téléspectateurs-auditeurs qui aimaient partager ta ferveur de commentateur sachant comme nul autre pareil, je dis bien comme nul autre pareil, raconter les plus grands faits. Tu resteras La Voix du cyclisme pour ceux qui connaissent vraiment le vélo. Toi seul savais profiter d’une arrivée pour construire en parfaite improvisation ce qui devait rester comme l’apothéose d’un exploit que tu offrais au vainqueur qui ne devait pas imaginer une seconde à quel point tu avais contribué à rendre grandiose ce qu’il imaginait seulement grand, inoubliable ce qu’il pensait uniquement exceptionnel."
"Nous tenterons tous de faire avec… Ou plutôt sans et je doute de pouvoir m’y résoudre"
"Guillaume je te pleure aussi à cause de tout ce que tu as subi ces derniers mois. Je n’en ferai pas le détail ni n’en donnerai mon avis, mais je sais et je sens que tout était profondément injuste et déformé parce qu’on n’a pas su te comprendre, surtout en raison d’une fausse interprétation de toi-même. Je ne sais si ton destin devait être tragique, mais il l’est devenu. J’ai eu peur pour toi bien souvent car je savais ta fragilité, j’encourageais ton désir de rebondir et d’avancer, j’en espérais la meilleure issue mais j’ignorais qu’il existait dans les fêtes taurines, que tu appréciais tant, un danger imprévisible provoqué par ce qu’on appelle la plus belle conquête de l’homme. Quelle ironie ! Comment imaginer qu’une conquête puisse être la représentation de la mort ? Sans douter de la volonté du cavalier ni considérer sa responsabilité, il symbolise parfaitement ce que peut être le danger pour tous, celui de son prochain, de l’autre, conquête ou pas qui en conscience ou sans, peut décider de détruire l’autre. Tu resteras unique Guillaume et si je restais amoureux fou du cyclisme c’était aussi en raison de ta folie amoureuse. Demain sera un autre jour mais sans ton regard sans ta folie et sans ta voix, il perdra de sa saveur. Nous tenterons tous de faire avec… Ou plutôt sans et je doute de pouvoir m’y résoudre."

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