Tour de France - Histoire du Tour, Serge Laget : «Sans Chocolaterie point de Tour»

Par Serge LAGET le 12/07/2025 à 14:52. Mis à jour le 13/07/2025 à 07:48.
Tour de France  - Histoire du Tour, Serge Laget : «Sans Chocolaterie point de Tour»
TDF
Photo : @CyclismActu

Ancien journaliste à L’Équipe, ancien collaborateur du Musée du Sport, Serge Laget s’est spécialisé dans l’histoire du sport. Fin 2012 et avant le Tour de France du centenaire, il nous avait présenté sur Cyclism'Actu son oeuvre "Jour de fêtes : La Grande Histoire du Tour de France". Serge Laget est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages - le dernier qui vient de sortir "50 ans de Maillot à pois" s’appuyant toujours sur une iconographie forte. Ses essais vont de l’affiche de sport au Tour de France, en passant par le rugby ou le football. Lauréat du Prix Blondin, il a reçu le Grand Prix de Littérature Sportive, pour "Le Grand Livre du sport féminin" (Éditions FMT) qu'il a signé avec Françoise Laget et Jean-Paul Mazot. Vous pourrez retrouver les Histoires du Tour de Serge Laget sur Cyclism'Actu lors de ce Tour de France 2025 : "Avec le Tour de France, voilà que le vent de l'épopée et de la légende peut souffler à nouveau. Et nous rafraichir un peu. L'ami Emmanuel Potiron, me dit : "profites en, toi qui aimes la nostalgie, fais nous la partager". Vous pensez si je saute sur l'occasion, et à pieds joints. Venez avec moi, je n'ai pas de casquette de guide, je suis simplement un amoureux transi des temps héroïques, et des grands champions, et des facettes méconnues de la saga de cette sacrée "Grande Boucle".

Vidéo - Serge Laget, ancien de L'Equipe et historien du sport !

Lire la suite de l'article

 

Pour devenir un Géant de la route, et le rester, le chocolat est là en 1903...*

*Déjà et avant tout... nos remerciements à Eric Caron, maître chocolatier et collectionneur du Tour de France ! Si le chocolat joue un rôle essentiel dans la préhistoire du vélo, il est fondamental dans la saga du Tour de France, d'abord pour les grimpeurs (Merci Monsieur Dardenne), et ensuite pour tous les géants qui croquent des tablettes et dégringolent des bols et des bols...Mais le grand tournant, c'est 1930, où M.Paul Thévenin, employé du chocolatier Menier (ndlr, déjà à l'origine du Bol d'or) souffle à Desgrange, l'idée de la caravane publicitaire. C'est le moment où « la souris » nommée Benoit-Faure accouche de la montagne...Menier parraine le Grand Prix que Vietto consacre en 1934, et puis Tobler ou Kohler prendront le relais, jusqu'à ce que Poulain fasse bondir le Grand Prix de la Montagne en 1975...Il y a 50 ans, le maillot à pois rouges arrivait sur les Champs-Elysées, apothéose d'une belle histoire...gourmande, qui nous régale plus que jamais...

Oui, qu'on le veuille ou non, qu'on le sache ou non, le Tour a des fondations en chocolat. Est-ce ennuyeux avec le temps qu'il fait ? Pas du tout, car ce chocolat est spécial, c'est un chocolat gourmandise, spécial entreprise, résistant à la chaleur. Je veux dire un chocolat rustique et essentiel pour la santé. Fin XIXè, début Xxè, le chocolat est en effet toujours un peu considéré comme un médicament, surtout dans certains milieux aisés...Et avec l'arrivée de la vélocipédie, et de ses épreuves monstres, tant sur route que sur piste, l'utilisation de ce réconfortant et reconstituant, en fait de ce produit de soutien, va doucement s'imposer.

L'entrée ce fait en douceur avec les courses de 24h, avec entraîneurs. C'est d'abord en 1892, la Cuca Cocoa Cup en Angleterre, et en France en 1894, le Bol d'or offert par le chocolatier Menier, que l'on retrouvera tout au long de ce fil gourmand.

Oui, de longues haleines. Dans les 24h qu'il gagne en 1895, aux Arts Libéraux, un certain Maurice Garin, ne consomme pas moins de 17 litres de chocolat. Du liquide, on passera aux tablettes, et aux croquettes dans les années 30, et même par temps de restriction, comme à la reprise du Tour en 1947, le chocolat sera toujours au menu des Géants.

 

À chacun, 10 boites de chocolat « Yo-Yo »

Car pour devenir un Géant de la route, et le rester, le chocolat est là en 1903, avec Garin, mais aussi et surtout à partir de 1905, quand la montagne donne au Tour son deuxième souffle. René Pottier, le roi du Ballon d'Alsace en 1905 et 1906, année, où il survole aussi le Tour, carbure au chocolat, souvent en tablettes. Petit-Breton qui entre dans le Tour à ce époque, est au même régime, surtout en 1908, où il gagne le premier Grand Prix officiel de la montagne. La consécration arrive quasi-officiellement en 1910, dans la deuxième étape de cette grande première pyrénéenne de la haute montagne. On sait que le Pays Basque est un pays de chocolat, il nous en donne une preuve retentissante et révolutionnaire au départ de Bagnères-de-Luchon-Bayonne (326 km), ce jeudi 21 juillet. Juste avant le départ à 3h30 du matin (vous avez bien lu), sur la place du Champ de Mars, au milieu d'une nombreuses assistance, deux personnes offrent des boites aux coureurs !  

Pas n'importe quoi : à chacun, 10 boites de chocolat « Yo-Yo ». Un article à la Une de « L'Auto », l'atteste. C'est un docteur, M.Germes (1876-1944) et son copain pharmacien Ludovic Dardenne (1859-1954), qui sont à l'origine de cette distribution originale et gracieuse, svp...Faut-il y avoir l'explication de la réussite de cette étape où Lapize traita les organisateurs « d'assassins », où un régional, un certain Lafourcade relança la course dans l'Aubisque, au moment où Lapize était sur le point de craquer, et où le leader le fabuleux et lourd François Faber s'accrochait mieux que prévu ? Ce n'est pas impossible que ce chocolat « Yo-Yo » (ndlr : la maison Dardenne devenue une chocolaterie historique, nous a fourni l'image de ce produit magique), ait eu une influence directe ou placebo sur ces aventuriers fatigués, qui découvraient d'un seul coup, les cols de Peyresourde, Aspin, Tourmalet et Aubisque...Sans ce chocolat providentiel, qui donne peut-être un coup de fouet et aide à digérer les sommets,  combien d'abandons aurait-on dû enregistrer ? « Yo-Yo », le titre est génial, car d'une part, il est en prise avec un jeu d'adresse alors très à la mode, et d'autre part, il résume bien le comportement initial des géants de la route : sauf exception, face à la montagne, ils alternent course à pied, et bicyclette....comme Lapize et Faber...Lapize est devant, mais Faber, alors leader, fait mieux que limiter les dégâts. 

 

"Dans les années 1920, les fameuses années folles... "

Prolongeons ce sourire, en remarquant que parmi les concurrents du Tour 1912, cohabitent un instant, car ils renonceront assez vite, deux coureurs helvètes portant les jolis noms d'Albert Kohler, et Ernest Tobler !!! Ca ne s'invente pas...Comme les célèbres chocolatiers suisses, qui vont très vite s'investir dans le tourbillon promotionnel à bon compte, que représente le Tour. En effet, le chocolat, surtout en tablettes, qui s'est imposé dans les tranchées, comme la banane, prolonge sa reconnaissance, sa commodité, et ses bienfaits sur les routes bien poussiéreuses de « la grande boucle ».  

Dans les années 1920, les fameuses années folles, c'est aussi de la folie lors des contrôles ravitaillement, et autour des soupières et des louches de chocolat liquide, les marques se bousculent, se chevauchent, est-ce du Suchard ? De l'Ovomaltine ? Du Toblerone ? Du Poulain ? Du Banania ? Peut-être du KK LSK, qui lui est SKi, comme dit Sacha Guitry ? On ne sait plus vraiment. Ne parlons même pas des bidons d'alu, où le chocolat le dispute au café, au thé et autres eaux de source. Dans les musettes, ce sont les tablettes, qui chahutent les sandwiches, les œufs, et les pruneaux.

Mais de cette bataille à coups de louches, un chargé de presse avisé, un certain Paul Thevenin, va faire surgir le Grand Prix de la Montagne. Cet entrepreneur visionnaire travaille pour le chocolat Menier, et en 1929, il est déjà là pour parrainer joliment, et élargir une brèche ouverte par la boite de chocolat offerte aux abonnés de « L'Auto » et ciselée dans un numéro cadeau exceptionnel. Et c'est un certain Benoit-Faure de St Etienne, qui décroche cette amorce de prix, scandé dans « L'Auto » par une astucieuse réclame.

Le vainqueur scratch Maurice Dewaële de chez Alcyon rend hommage à Ovomaltine, mais Benoit-Faure, un minuscule touriste-routier stéphanois, que Desgrange baptise « la souris » est sous la bannière Poulain. C'est lui, qui  a grignoté la montagne, et le classement des touristes-routiers. Et mine de rien, c'est un tournant. Ce n'est pas la montagne, qui accouche d'une souris, mais « la souris », qui accouche de la montagne !!! 

Il récidivera en 1930, l'année bascule. C'est lui, le minuscule, qui crée ce phénomène, il fallait une souris, pour faire exister la montagne, et un parrain chocolatier, pour lui donner une dimension gourmande. En effet, Monsieur Paul Thevenin, qui a l'oreille d'un Desgrange en recherche de financement pour ses équipes nationales, peut alors imposer providentiellement et la caravane publicitaire, et un Grand Prix de la Montagne officieux...Menier ne dort pas. En attendant l'entrée visuelle avec les juges de paix, et les montagnes vivantes de Pellos, le camp de base est là.

Et donc en 1930, M.Paul Thevenin peut sourire, « sa » caravane voit le jour, et son Grand Prix de la Montagne, encore un peu officieux, aussi. La patte du Menier s'affirme. Et « la souris », qui arbore le dossard 122, et termine 8è est encore le roi des Grimpeurs. La famille Menier jette toutes ses forces dans cette grande première, puisqu'il y a et la maison mère, et Monsieur Jacques Menier. La montagne va devenir un dessert, que les grimpeurs apprivoisent un peu plus en 1931 avec Demuysère et 1932 avec Trueba (ndlr : Menier met 35 000f de prix dans l'aventure, plus le reste), avant de prendre un rang officiel et institutionnel en 1933, où Trueba, « la puce de Torrelavega » fait le doublé, comme « la souris ». Il fallait donc une puce et une souris pour imposer et les Grimpeurs, et les Géants des Alpes et des Pyréneés. Cette année-là, Martini-Rossi, vole au secours de Menier. Et avec René Vietto en 1934, le Grand Prix de la Montagne est enfin parfaitement sacralisé.

 

"Oui, le troisième souffle du Tour, il est bien dans le chocolat..."

L'adoubement est populaire, avec ces foules, qui se mettent à couronner des coins inconnus, qui agrandissent la France, et la révèlent à elle-même, sans parler des inscriptions géantes, qui scandent sur les routes le nom de Vietto, ou de la présence de l'Himalayenne Alexandra David-Neel, qui sur le bord de la route, souffle dans le dos du « roi René ».

Dédé Leducq et Charlot Pélissier deviennent sous le crayon de Pellos, les hommes sandwiches des croquettes Ovomaltine, quant à Roger Lapébie, en 1935, « il n'aborde jamais une côte sans croquer du chocolat Tobler, qui régale et réconforte... » Le Tour apaise enfin de ce côté là, car n'oublions pas qu'en 1926, Canova et Rossignoli auraient mangé des tonnes de chocolat pour ne pas être empoisonnés !!!

Oui, le chocolat devient au fil des éditions une composante majeure du Tour, et ce tous azimuts..Et dans ses albums, Nestlé bombarde d'images de « Géants de la route », les enfants gourmands. Dans le Tour de la reprise en 1947, les factures de l'organisation, qui doit se ravitailler au fil des étapes, et improviser à cause des restrictions, montrent que le chocolat est omniprésent dans les menus aux côtés de la confiture, ou des bananes.

En 1953, le grand Impanis ne jure que par le chocolat Vitaminé...Quant aux spectateurs, s'ils se régalent avec les spectacles de Tino Rossi, ou Charles Trenet dans l'après course, le film du résumé de l'étape, si essentiel est offert par, par qui ? Par Kohler, qui en prime offre un album où le duel Coppi-Bobet, par images interposées continue. C'est aussi l'époque où Dali, qui plus tard deviendra avec ces moustaches gourmandes, le chantre du chocolat Lanvin, ne jure que par les grimpeurs qui en bavent dans les Pyrénées, et le font baver de bonheur...Le chocolat n'est pas loin, quand en 1964, le poulain bondissant de chez Poulain réintègre la caravane, et forcément le Grand Prix de la Montagne. Et dans cette cavalcade folle, c'est lui, qui en 1975, sous l'impulsion de Félix Lévitan, co-patron du Tour, lance enfin le maillot à pois pour visualiser et sacraliser le meilleur grimpeur. Jusqu'à le parent pauvre de la saga malgré toute sa légende.

C'était il y a 50 ans, et c'était Van Impe, qui gagnera aussi son poids en chocolat, et puis Virenque, et la Virenqmania, qui transformeront en vitraux colorés toutes les cimes du Tour. On déplace les montagnes avec du chocolat, Madame, pas avec des épinards. Oui, le troisième souffle du Tour, il est bien dans le chocolat. Du Ballon d'Alsace à Van Impe, du Yo-Yo de Dardenne à Carapaz, il n'y a vraiment que la largeur gourmande d'une tablette, il est vrai, enchantée.

L'info en continu

11:50 Route Les équipes d'Uno-X Mobility, leur maillot pour 2026... votre avis ? 11:29 Route L'équipe Movistar, son maillot pour la saison 2026... votre avis ? 11:18 INTERVIEW logo vidéoJakob Sodverquist : "Le pilotage, les réflexes, tout ça vient du VTT" 11:15 Tour de France logo vidéoIdée de cadeau... Greg Artiste le livre sur Hinault, l'Alpe d'Huez 11:10 INTERVIEW logo vidéoQuinn Simmons : "J'espère gagner une étape sur le Tour de France..." 11:00 Route La nouvelle donne du CIC Pro Cycling Academy du manager Anthony Ravard 10:51 INTERVIEW logo vidéoAurélien Paret-Peintre : "L'arrivée de Kooij ? C'est super pour nous" 10:36 Cyclo-cross logo vidéoMathieu van der Poel, son calendrier cyclo-cross à partir de dimanche 10:17 Route logo vidéoL'équipe Lidl-Trek avec un nouveau maillot, un nouveau vélo... votre avis ? 10:05 INTERVIEW logo vidéoMads Pedersen : "L'objectif ? C'est le maillot vert du Tour de France" 09:53 Route La Bretagne Ladies et les Boucles de la Mayenne s'allient en 2026 09:41 INTERVIEW logo vidéoRemco Evenepoel : "On a hâte d’être sur la Grande Boucle avec Lipowitz" 09:26 Route Cian Uijtdebroeks a fait ses choix pour les Grands Tours en 2026 09:03 INTERVIEW logo vidéoMattias Skjelmose : "Avec Juan Ayuso... on peut se compléter" 08:54 Cyclo-Cross Mathieu Van der Poel va faire son retour à Namur : "Ça me manque... " 08:45 Route logo vidéoLipowitz, Pellizzari et Finn prolongent avec Red Bull-BORA-Hansgrohe 08:39 INTERVIEW logo vidéoJuan Ayuso : "Pogacar et Vingegaard sont toujours meilleurs que moi" 08:31 Route Ludovic Robeet de retour après un AVC : "Je fais des progrès au quotidien" 08:19 Route Après une saison de doutes, blessures, d'abandons... Enric Mas s'exprime 08:03 Route 10 coureurs de Groupama-FDJ verbalisés en Espagne... 100€ par tête !
fleche bas fleche haut

Nos Partenaires

Sondage

Tadej Pogacar devrait encore gagner le Vélo d'Or, mais qui sera 2e selon vous ?










-
-