Tour de France - Histoire du Tour de Serge Laget : «Je suis toujours dans le Tour»

Par Serge LAGET le 30/06/2025 à 11:57. Mis à jour le 08/07/2025 à 13:13.
Tour de France  - Histoire du Tour de Serge Laget : «Je suis toujours dans le Tour»
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Photo : @Cyclism'Actu

Ancien journaliste à L’Équipe, ancien collaborateur du Musée du Sport, Serge Laget s’est spécialisé dans l’histoire du sport. Fin 2012 et avant le Tour de France du centenaire, il nous avait présenté sur Cyclism'Actu son oeuvre "Jour de fêtes : La Grande Histoire du Tour de France". Serge Laget est l’auteur d’une trentaine d’ouvrages - le dernier qui vient de sortir "50 ans de Maillot à pois" s’appuyant toujours sur une iconographie forte. Ses essais vont de l’affiche de sport au Tour de France, en passant par le rugby ou le football. Lauréat du Prix Blondin, il a reçu le Grand Prix de Littérature Sportive, pour "Le Grand Livre du sport féminin" (Éditions FMT) qu'il a signé avec Françoise Laget et Jean-Paul Mazot. Vous pourrez retrouver les Histoires du Tour de Serge Laget sur Cyclism'Actu lors de ce Tour de France 2025 : "Avec le Tour de France, voilà que le vent de l'épopée et de la légende peut souffler à nouveau. Et nous rafraichir un peu. L'ami Emmanuel Potiron, me dit : "profites en, toi qui aimes la nostalgie, fais nous la partager". Vous pensez si je saute sur l'occasion, et à pieds joints. Venez avec moi, je n'ai pas de casquette de guide, je suis simplement un amoureux transi des temps héroïques, et des grands champions, et des facettes méconnues de la saga de cette sacrée "Grande Boucle".

Vidéo - Collection Laget... FABER : un Bayard, gargantuesque !

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"J'ai 77 ans, et je suis toujours dans le Tour, dans le gruppetto certes... "

Avec le Tour de France, voilà que le vent de l'épopée et de la légende peut souffler à nouveau. Et nous rafraichir un peu. L'ami Emmanuel Potiron, me dit : "profites en, toi qui aimes la nostalgie, fais nous la partager". Vous pensez si je saute sur l'occasion, et à pieds joints. Venez avec moi, je n'ai pas de casquette de guide, je suis simplement un amoureux transi des temps héroïques, et des grands champions, et des facettes méconnues de la saga de cette sacrée "Grande Boucle".

Je l'ai découverte dans mon village de Langogne en Margeride, le 23 juillet 1954. C'était un vendredi. J'avais sept ans, j'arrivais à la hauteur du ceinturon du capitaine des sapeurs-pompiers, qui contenait la foule...Ces klaxons, cette fièvre, cette ferveur, et l'éclair jaune de Louison Bobet, ne m'ont jamais quitté.

J'ai 77 ans, et je suis toujours dans le Tour, dans le gruppetto certes, mais je m'accroche, et le Tour m'aide. C'est absurde, non ? Peut-être. Le Tour a éclairé ma vie, puisse-t-il éclairer un peu la vôtre. Je sais qu'il n'est pas parfait, mais quel bonheur malgré tout. Prenez donc avec moi, la roue compatissante de Faber, le Géant de Colombes, croquez un peu de chocolat pour avaler les cols, vous verrez ensuite que ce sont les grimpeurs, qui ont donné son 2e souffle au Tour et agrandit  la France, enfin, en apothéose, on se plantera rue Lepic. Vous verrez, c'est Épique !

 

 

FABER, BAYARD réincarné...

Si vous ne connaissez pas le chevalier Bayard, celui qui était « sans peur et sans reproche », si Gargantua, et son appétit féroce, ne vous disent rien, vous aurez du mal à entrer dans cette petite histoire d'un héros des temps héroïques, toujours d'actualité aujourd'hui, car il figure encore dans le Top 20 des « Géants de la route » en 2025, et pas seulement parce qu'on l'avait aussi baptisé « le Géant de Colombes... » Cette démesure, qui fait le sel du Tour, il est un des premiers à l'avoir introduite...Et pas seulement parce qu'il demeure le seul a avoir franchi en tête le Col Bayard à trois reprises.

Il y a eu 110 ans, le 9 mai, que le 9 mai 1915, du côté de Carency, près des « Ouvrages blancs », en pleine grande guerre et bataille de l'Artois, il tombait les armes à la main, lors d'une attaque de l'armée française, où il était impliqué dans la Légion étrangère, bien que sujet luxembourgeois. « Il aurait pu se soustraire au conflit, mais non, il voulait rendre à la France, un peu de cette gloire, de cette reconnaissance qu'elle lui avait donné.

Oui, on veut ici évoquer et rendre hommage à un champion, et à un homme comme le cyclisme n'en a jamais vu. Vous avez bien lu, jamais vu !!! On veut parler de François Faber (1887-1915). A son endroit, les sobriquets défilent : le géant, le grand, le géant de Colombes, l'homme locomotive. Sa bonté, sa puissance, sa générosité, son appétit, son panache, ses talents étaient tels, qu'il faisait comme aucun autre champion l'unanimité, « le meilleur » pour Desgrange. Il n'est que de lire la relation du Tour 1911 par Georges Rozet, où des enfants de baissent pour lui frôler les chevilles. 

Il était tellement fabuleux, qu'il fallut plus de dix jours pour que l'on annonce officiellement sa mort ! On le croyait intouchable, invincible. Desgrange dit lui-même dans sa nécrologie à la une de L'Auto : « c'était un grand enfant... » La capacité d'émerveillement de ce phénomène est même rétrospectivement un pur bonheur. Des échappées de 300 km, un courrier de 300 lettres par jour sur le Tour, une douzaine de côtelettes ou trois soles englouties, à main levée, les « cratères de picton » (ndlr : du Corton) éclusés à tire-larigot.

Et avec tout ça entre deux indigestions, et de belles blessures en course (fracture sur le Tour 11) une moisson hors du commun, avec dans la musette, un Bordeaux-PAris (il met un point d'honneur à battre Lapize), un Paris-Roubaix, deux Paris-Tours, un Paris-Bruxelles, un Tour de Lombardie, et la bagatelle de 19 étapes sur le Tour !!! Qui dit mieux ? On pourrait aussi évoquer son Tour 1909, un Tour terrible de 4500 km qu'il survole sous la pluie, le froid, la boue, puis la canicule, en enlevant cinq étapes de rang, de Metz à Nice. Avec son maillot jaune et noir, et son beau regard candide où le ciel bleu est roi, cet ancien débardeur de 22 ans, plane sur la course comme personne. On a même dit qu'il aurait pu gagner toutes les étapes, tellement il était « costaud » cette année-là, mais il a partagé un peu avec ses copains d'Alcyon, Alavoine, Duboc, Garrigou, et son demi-frère Ernest Paul.

 

FABER : un Bayard, gargantuesque

Du haut de ses 1m79, de ses 91 kg, avec des « bielles » qui enchantent les observateurs, il écrase tellement le Tour 1909 passant en tête au Ballon d'Alsace, au col Bayard, à Laffrey et à Porte, svp que pour « préserver le suspense » du Tour 1910, Desgrange et Steinès vont y introduire, la haute montagne et les Pyrénées, en espérant, sans l'avouer, freiner un peu l'ogre.

Et ce fameux Tour piège de 1910, il le perdra de justesse, certes, un peu à cause de la haute montagne, mais surtout à cause d'un ulcère à l'estomac et de la mauvaise manœuvre de son demi-frère Ernest Paul, manipulé par ce roublard de Lapize dans la dernière étape. Il sera donc deuxième, comme en 1908.

François de Colombes, d'Aulnay sur Iton, et du Luxembourg, c'est une nature, un tranche-montagne...Pas un grimpeur, comme Emile Georget, Pottier ou Garrigou, non, lui, il passe en puissance, à la Hinault...Par ailleurs, franc comme l'or, généreux, comme personne, il dépanne tout le monde, il n'a pas d'adversaire, à part peut-être Lapize, le renard, son « classard ». Ils sont tous les deux de 1887, François est un verseau, avec du panache, Lapize est un scorpion calculateur, à qui il manque 15 cm et 25 kg...Lapize roule parcimonieux, François, lui, entraîne tout le monde dans son sillage, y compris les fatigués, qui prennent sa roue, comme une bouée de sauvetage. Il donne, il fonce sans regarder, sans arrière pensée. Ici, il passe à manger, là, il jette discrètement un boyau, pour ne pas enfreindre le règlement.

Dans ce Tour 1911, que nous raconte Rozet dans « La Revue de Paris », Garrigou, qui triomphe, c'est l'homme-pendule, Faber reste l'homme-locomotive, qui blessé abandonnera à la 12è étape. Son cœur sur la main, sa bonté, en font vite le coureur le plus charismatique, et le plus populaire et de loin...Il inspire les poètes, les écrivains, les caricaturistes, les affichistes. Les marques de cycles se le disputent, Saphir, Alcyon, Labor, Allelulia, ou Peugeot, il ne sait où donner de la tête.

Heureusement, Alphonse Baugé, ou son compatriote Alphonse Steinès, le guident, le conseillent. Avec eux, il prendra une autre dimension, tout en restant cette force de la nature qui séduit partout, il écrit, il répond, il parle, il donne des conférences, bref la pierre taillée devient une belle pierre polie.

Etranger aux combines, aux jalousies, il taille sa route, toute droite, même si parfois, il zigzague un peu, car c'est un bon vivant comme ses amis Jean Bouin, ou Georges Carpentier, ou Lucien Gaudin, les étoiles de la course à pied, de la boxe, ou de l'escrime, avec qui il partage la notoriété, et un masseur magicien nommé Pastaïre. A figurer enfin, dans la catégorie rêvée par Desgrange, celle de la noblesse du Tour !!! 

Le patron de « l'Auto » fasciné par Napoléon voulait transposer sur le Tour une noblesse du muscle, comme il y avait eu une noblesse impériale forgée aux feux des batailles...Ici, en s'échappant, en gagnant des étapes, en brillant en montagne, ou en gagnant le Tour, on pourra être aussi considéré qu'un général d'Empire ou un Maréchal. Et le soldat Faber s'inscrit dans cette fabuleuse logique démesurée, qu'on peut appeler l'ascenseur social.

Sa plus mauvaise année sera 1912, où il ne gagne aucune étape sur le Tour. Il a dû quitter Alcyon pour incompatibilité avec Lapize, et chez Automoto, il n'est pas à l'aise. Il terminera 14è, déçu mais serein, son rival, pourtant bien placé, a fait une nouvelle crise, soupçonnant les Belges de collusion et abandonné.

 

C'était il y a 110 ans...

Dans le duel entre les deux champions, puisqu'il faut bien parler de ça, on réalise que le pragmatisme de Lapize, l'emporte peut-être sur le panache de Faber, pas sur la popularité. Fafa et Poupou, même combat.  LApize dispute six Tours de France, enlève six étapes, gagne une fois, et abandonne les cinq autres !!! Faber, qui a le même âge, s'aligne dans neuf « Grandes Boucles », enlève 19 étapes (vous avez bien lu) gagne l'édition 1909 (une des plus dures), termine deux fois 2è, une fois 5è, 7è, 9è et 14è, et abandonne deux fois sur blessure.

Eugène Christophe disait de Lapize, « que c'était le plus intelligent », peut-être. Ce qui est sûr, c'est que c'est au panache du « Grand », de « Bayard », que se ralliaient les spectateurs. Si nous poussons plus loin le parallèle, on s'aperçoit, qu'ils ont fait jeu égal en montagne, et dans les classiques. Donc avantage au « père François », qui après sa mauvaise année 1912, passe chez Peugeot et retrouve ses ailes, ou presque, enlevant en 13 et 14, deux des dernières étapes du Tour, preuve, qu'il finit fort, et qu'il n'est surtout pas fini.

La guerre brisera ses espoirs, le 3 août 1914, c'est la mobilisation, et un mois à peine après avoir bouclé son 9è Tour (5411 km), il s'engage dans la Légion !!! Sa camaraderie et sa bonne humeur font encore et toujours merveille dans les tranchées, où il fume la pipe, comme beaucoup de poilus, pour chasser les odeurs. La pipe, instrument de survie. Le 9 mai 1915, il part à l'assaut, c'est la grande bataille de l'Artois. Français et Anglais font beaucoup de prisonniers, mais les pertes sont lourdes.

Parmi elles, de nombreux légionnaires. La tuerie était telle, que l'on n'a pu retrouver le corps du « Géant de Colombes », au grand désespoir de ses copains Darragon, ou Miquel. Il paraissait tellement invincible « le grand », que l'on a même douté de sa mort. Son paquetage expédié à sa veuve Eugènie, qui venait d'accoucher quatre jours avant, procurant une immense joie, la dernière, à son mari, contenait une fameuse pipe, celle de « l'homme locomotive ». Grâce à André Leducq à qui Eugènie l'offrit, et à un journaliste fervent qui la préservé ensuite, elle a traversé le temps. C'était il y a 110 ans, Lapize, le rival, tomberait lui aussi en héros, lors d'un combat aérien, le 14 juillet 1917. La postérité, et la légende les réunissent à jamais.

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