Chronique - Marc Fayet : «Tadej Pogacar.. ce n'est pas du bidon !»

"Il lui devait un geste de compassion... "

Une course on la remporte avec les jambes mais aussi avec la tête. Il s’agit d’un lieu commun absolu, mais quand on a les mêmes jambes et la même tête que son adversaire, la seule chose qui peut faire la différence, c’est l’ascendant psychologique. L’exemple le plus frappant s’est produit lors des derniers Strade Bianche. Souvenez-vous de ce geste aussi magnanime que malin de Tadej Pogacar offrant un bidon à Thomas Pidcock. Ce geste passant pour altruiste n’était en fait que l’entame de la manipulation psychologique d’un champion avec son concurrent direct.

Il était évident que tenant compte de cette offrande, il s’agissait alors de la première marche de l’entreprise d’anéantissement orchestrée par le champion du monde. Par ce geste il rendait l’anglais redevable de quelque chose… Quoi donc ? Ces quelques secondes d’hésitation du coureur de Q36.5 ayant assisté à la chute de Pogi et qui, se souvenant du cadeau qu’il reçut, n’eut pas le cœur sur l’instant de prendre la poudre d’escampette.

"Refusez effrontément son bidon... "

Il lui devait un geste de compassion, car le lien du bidon était fait, c’est ce qui le perdit. Le Slovène lui avait permis de calmer une soif tenace qui le tenaillait et le monde entier en avait été témoin. Difficile dans ces conditions de passer pour un ingrat. Ce souvenir immédiat et de réflexe provoqua la perte de Thomas car ces secondes d’atermoiement permirent à Tadej de trouver les ressources de revenir quand l’Anglais aurait pu creuser l’écart suffisant pour aller le plus loin possible afin de se mettre à l’abri d’un retour. Dès ce moment, il était fichu.

A peine son esprit de combattant lui intima l’ordre d’appuyer sur les pédales, la puissance de son adversaire montra que c’était trop tard. On connait la suite, le duo s’est reformé et tout coureur prenant la roue de Tadej sait déjà qu’il devra subir le ou les démarrages fulgurants du plus grand coureur du 21^ème siècle. Ce petit rappel destiné à tous ceux qui sur les prochaines grandes classiques auront à partager la route avec le porteur du maillot arc en ciel, un seul mot d’ordre ! 

Refusez effrontément son bidon, car s’il y en a un qui ne l’est pas, bidon, c’est bien lui. A commencer par samedi sur la route de San Remo. A bon entendeur… Salut ! Comme sait si bien le faire Pogacar quand il passe en vainqueur une ligne d’arrivée avec la grâce et l’ampleur théâtrale qu’il maîtrise si bien.