Paris-Roubaix - Marc Madiot: «Même si vous vous appelez Pogacar ou Van Der Poel...»

"Ferrand-Prévot ? Je ne pensais pas que ce serait pour cette année"

Une Française a enfin gagné Paris-Roubaix Femmes...

On n'a pas attendu trop longtemps, ça fait 5 ans que ça existe, au bout de la 5e fois on gagne. Donc c'est plutôt rassurant, et c'est une belle et grande performance.

Ça fait du bien au cyclisme féminin, parce que c'est une Française gagne Paris-Roubaix, en plus en la personne de Pauline Ferrand-Prévot, qui n'est pas méconnue.

Qui n'est pas méconnue en France, surtout après son titre olympique, ça met un coup de projecteur sur la discipline, c'était dans la logique des choses qu'elle puisse s'imposer à Roubaix. Je ne pensais pas que ce serait pour cette année, parce qu'elle avait eu apparemment des petits problèmes de santé, elle n'était pas très optimiste avant la course. Mais elle est sur son terrain de jeu, donc bravo à elle.

"Sur le papier, on a tous les ingrédients pour une course d'anthologie"

Du coup, comment on fait pour gagner Paris-Roubaix ?

Il faut être le plus fort, le plus motivé, le plus incisif, et puis celui qui sait le mieux mettre tous les atouts dans son jeu.

Pour ce 122ème Paris-Roubaix, à quoi s'attendre ?

Alors, sur le papier, on a tous les ingrédients pour une course d'anthologie, qui restera dans l'histoire, mais ça c'est sur le papier. Et il faut se méfier du papier, ça peut des fois finir en eau de boudin, comme on dit, on ne sait jamais, donc il y a tous les ingrédients, il y a des coureurs d'exception au départ, qui font que normalement on devrait avoir un grand cru, mais ce n'est pas parce qu'on a tous les ingrédients qu'on a forcément un grand cru, attendons la course.

On a l'impression que ce duel Tadej Pogacar-Mathieu-Van der Poel phagocyte un petit peu l'ampleur de ce que peut être Paris-Roubaix, non ?

Non, ça ne phagocyte rien, on vit à l'heure de la communication à outrance, on vit aussi dans le zapping, donc ce qui est vrai aujourd'hui ne sera pas forcément vrai demain, et ça peut changer en cours de route, donc il y a les ingrédients pour que ce soit un truc d'exception, mais c'est les coureurs qui vont écrire l'histoire, et laissons-les écrire l'histoire, voilà, c'est tout.

"Pogacar ? J'ai du respect, mais je ne suis pas fan"

C'est peut-être un peu vixant pour les autres coureurs parce qu'on ne parle que d'eux ?

Non, je pense qu'il y a une excitation particulière sur cette course, mais ça ne s'arrête pas à Pogacar-Van der Poel, il y a des coureurs qui sont très proches. Je trouve qu'il y a une excitation supplémentaire avec la présence de Pogacar, qui vient pour se faire plaisir, ce qui est plutôt rassurant je trouve sur l'état d'esprit que peuvent avoir certains coureurs, on n'est plus dans le calcul, on est dans la notion d'envie et de plaisir. Je ne suis pas un supporter absolu de Pogacar, mais je trouve que son approche et sa détermination par rapport à Paris-Roubaix, c'est quelque chose de sain et d'intéressant, ça remet l'homme et l'état d'esprit du coureur au centre de l'équation, et c'est plutôt une bonne chose.

Pas forcément un supporter absolu, mais quand on voit ce qu'il fait, ça mérite un petit peu de respect ?

J'ai du respect, mais je ne suis pas fan, c'est comme les chanteurs, je suis plus fan des Rolling Stones que des Beatles, mais c'est très personnel, c'est comme ça. Je trouve que son approche par rapport à Roubaix ou aux Flandres montre et démontre qu'il ne s'arrête pas au seul Tour de France. Là où naturellement et logiquement les maîtres d'oeuvre et sponsors de l'équipe auraient plutôt tendance à vouloir le focaliser sur les grands événements comme le Tour, lui il dit, je suis désolé, mais c'est moi qui pédale et j'ai envie d'aller voir ce que ça peut se donner à Roubaix ou aux Flandres, et si vous n'êtes pas content, c'est la même, et je trouve ça plutôt pas mal.

Comment les battre ces Van Der Poel et Pogacar ? Quel est le plan chez Groupama-FDJ ?

Le plan, c'est déjà d'éviter les écueils, d'éviter les difficultés, comme je dis toujours, il ne faut pas se laisser prendre par la course, il ne faut pas se griser avec ce qu'il se passe, il faut rester concentré, c'est un effort de concentration, c'est un effort de motivation, il faut mettre l'agressivité, l'argne au moment où il faut, et il ne faut pas se laisser emporter par la course, c'est une course qui est grisante, et où on peut se laisser prendre au piège de l'euphorie du moment et de l'événement, et c'est la pire des choses. Si on veut gagner, il faut être concentré, avoir du sang froid, et être en permanence sur le qui-vive par rapport à la protection de son vélo, parce que l'élément le plus déterminant, on n'en parle jamais, c'est quand même de veiller à son vélo. Si vous êtes le meilleur coureur du monde et que vous ne prenez pas soin de votre vélo, vous êtes hors course, même si vous vous appelez Pogacar ou Van Der Poel, si vous ne faites pas attention à ce que vous faites, vous pouvez tout perdre, donc il faut conserver beaucoup de lucidité, et être déterminé, agressif, dans sa bulle par rapport à l'événement, je pense que c'est l'élément déterminant sur Paris-Roubaix, c'est celui-là.

"Je suis focalisé sur mes 7 Lascars"

Paris- Roubaix, c'est vraiment la course la plus dure à gagner ? Pourquoi on en fait tout un plat sur cette course ?

On en fait tout un plat parce qu'on n'est pas habitué à y aller, parce qu'il y a des appréhensions, et les gens qui ont des appréhensions ont tendance à dire c'est trop dangereux, c'est trop ceci, c'est trop cela. Alors qu'en fait si on regarde bien l'histoire de cette course, quand on est concentré sur l'événement, quand on y prête attention, et quand on fait ce qu'il faut pour y être performant, il ne se passe jamais rien, tout se passe bien. Beaucoup de vainqueurs n'ont jamais eu d'incident, ou n'ont jamais chuté. Donc cela montre bien que si on la prépare, et si on est conditionné par rapport à cette course, qui je l'avoue est hors normes, on peut mettre tous les atouts dans son jeu et aller gagner.

Un dernier mot, à l'instar de chez les femmes où une Française a gagné Paris-Roubaix, est-ce qu'un Français peut gagner Paris-Roubaix la 122ème édition dimanche ?

Je ne suis pas dans ce trip là moi, je suis dans le trip Groupama-FDJ, et je suis concentré sur la seule équipe Groupama-FDJ, le reste je m'en fous, je ne m'en occupe pas, je suis focalisé sur mes 7 Lascars. J'attends qu'ils soient au meilleur d'eux-mêmes, qu'ils donnent ce qu'ils ont à donner, qu'ils soient dans la filiation de ce qu'on a fait certaines années, qu'ils soient hargneux. Je veux de la hargne demain (dimanche), de la hargne, si on a de la hargne et qu'on fait ce qu'il faut, on sera là, on sera avec les meilleurs. Qu'on soit une petite ou moyenne équipe, on sera là.

Et dans ces 7 Lascars, lequel aurait peut-être le plus de chance ?

Stefan Küng ! Je suis persuadé que si on n'a pas d'accroche, il sera là, et ils n'arriveront pas à le dépoter.