INTERVIEW - Cédric Vasseur : «J'ai disparu en effet... j'ai digéré la page Cofidis»
Après huit saisons à la tête de l'équipe Cofidis, la structure française et Cédric Vasseur ont choisi, d'un commun accord, de se séparer en fin de saison dernière. Durant ses années au sein de la formation française, le manager nordiste aura tout connu, de la joie apportée par deux succès sur le Tour de France 2023, à la relégation en ProTour en fin de saison. Discret depuis, l'ancien coureur français s'est entretenu avec Cyclism'Actu sur ses années au sein de la formation Cofidis, ses projets futurs ou plus globalement sa vision du cyclisme et des jeunes talents qui émergent. Entretien sans polémique avec Cédric Vasseur mais les choses sont tout de même dites, l'ancien manager français ayant quelque peu "une clause de confidentialité" concernant sa mise à l'écart de la formation Team Cofidis fin septembre 2025.
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"On aimerait bien avoir dix Tour de France par an..."
Qu'est-ce qu'on retient de huit saisons en tant que manager général de Cofidis ?
D'abord beaucoup de fierté. Quand Thierry Vitu m'a donné ma chance fin 2017, jamais je n'aurais imaginé rester en poste pendant huit ans. On a réussi, avec mon équipe, à faire monter cette équipe en UCI WorldTour, c'est le summum. C'est la division qui attire les meilleurs coureurs, les meilleurs partenaires, vous participez aux meilleures courses, donc beaucoup de fierté parce que je débutais dans ce milieu.
J'avais une expérience en tant que coureur, des victoires ici et là, modestement, mais quand même deux victoires sur les routes du Tour de France, un maillot jaune, j'avais quand même une certaine aura médiatique. Ensuite j'ai travaillé pour le CPA, j'étais le représentant des coureurs, donc j'étais directement au cœur de l'action. Je suis ensuite devenu consultant TV, comme vous le savez, pour la RTBF, pour BeIN Sport, pour France TV, sur la moto, là où se trouve aujourd'hui Thomas Voeckler. Donc pour moi, c'était nouveau. J'y ai mis toute mon énergie, je me suis entouré des personnes qui ont œuvré à faire grandir Cofidis. On a gagné le titre de championne de France avec Victoire Berteau à Cassel, mais surtout, ce que l'équipe attendait, c'était de gagner sur le Tour de France et en 2023, Victor Lafay a été époustouflant et a remporté cette belle victoire à San Sebastian.
C'était quand même l'objectif, faire regagner Cofidis sur le Tour de France. C'est un peu dur, vous refaites gagner Cofidis sur le Tour et on passe à autre chose.
Ça s'est fait d'un commun accord. Il ne faut pas penser que les victoires sur le Tour reviennent tous les ans. Le cyclisme a beaucoup changé, je lisais une interview de Tadej Pogacar qui disait qu'entre aujourd'hui et le moment où il est arrivé chez les pros, il n'y a pas si longtemps que ça, l'équipe a complètement changé sa philosophie, sa manière de fonctionner... Le cyclisme est en perpétuel mouvement, ça évolue et ce qui est sûr c'est que maintenant, gagner sur le Tour de France chaque année, c'est vraiment difficile. Ça roule vite, il y a beaucoup de concurrence; On aimerait bien avoir dix Tours de France dans l'année, ça mettrait un peu moins de pression sur les épaules des coureurs en juillet. Je garde cette fierté d'avoir permis à l'équipe de renouer avec le succès en 2023, c'était formidable.
"Je reçois tous les jours des coups de fil..."
À voir votre sourire, la page Cofidis est tournée et digérée...
Oui, la page Cofidis est tournée, maintenant il faut se projeter sur autre chose. Je ne sais pas où les prochains mois vont me mener, en tout cas ce que j'ai souhaité c'était de terminer l'année 2025 en consacrant plus de temps à ma famille, parce que je les ai délaissé pendant huit ans donc quand vous quittez cette mission là, vous avez envie de souffler. Je reçois tous les jours des coups de fil d'anciens collègues, d'anciens partenaires qui me questionnent et qui m'ont déjà proposé, pour certains, des missions mais aujourd'hui, je veux garder un peu de distance.
Quand on a fait Stéphane Heulot qui quittait la Lotto, il nous disait la même chose et il se retrouve manager général de TotalEnergies, pareil pour Vincent Lavenu qui se retrouve à la tête de Ma Petite Entreprise... Donc peut être dès le 1er janvier vous allez vous retrouver à la tête d'une équipe cycliste ?
Il ne faut jamais dire jamais. Il ne faut rien s'interdire mais en tout cas, j'ai envie de souffler. La vie est courte donc il faut aussi s'octroyer des moments de plaisir mais je suis quelqu'un d'hyperactif, je ne peux pas rester sans rien faire. J'ai envie de faire les choses bien et je pense que si on me propose une mission qui me permet d'élever le niveau d'une organisation, d'une équipe, d'un business quelconque, même pas forcément dans le vélo...
On a beaucoup à apprendre des autres sports, je pense qu'on a une marge de progression qui est énorme et je ne comprends pas pourquoi on patine autant dans le cyclisme. Ce qui me dérange ce sont les gens qui ont bouffé dans la gamelle et qui crachent au visage du vélo. Quelle que soit votre position dans le vélo, vous pouvez avoir une certaine lassitude qui s'installe mais quand on se lance dans ce milieu là, on aime les cyclistes, on aime le public et je pense qu'aujourd'hui on a un super produit à proposer, donc, ce qu'il faut, c'est trouver la bonne formule et continuer à développer ce sport.
INTERVIEW - Stéphane Heulot : "On connaît les enjeux... donc, oui, ça doit marcher" #Heulot #Bernaudeau #TotalEnergies #Vendée #TV https://t.co/9zpF6LK5Ht
— Cyclism'Actu (@cyclismactu) December 12, 2025
"Il y a 20 coureurs qui pèsent sur le cyclisme mondial"
On a compté avec Cyclism'Actu, il y a encore presque 100 coureurs qui sont sans contrats, on arrive à la fin de l'année 2025, beaucoup s'inquiètent de la santé économique du vélo... On a l'impression que tout le monde y va de son idée mais que ça reste un bazar sans nom.
Je n'aurais pas dit mieux. Je pense que chaque sport a ses spécificités mais le modèle économique du cyclisme n'est pas idéal, on le sait. Peut-être qu'en 1995, quand je suis passé professionnel, on disait déjà que le modèle du cyclisme n'était pas idéal. Ce qui a changé, c'est qu'il y a eu une inflation énorme, même entre 2020 et 2025. Donc, faire reposer toute cette inflation sur du sponsoring pur, ça devient mission impossible. Je pense qu'il y a cinq ou six équipes qui sont prospères aujourd'hui, avec un budget qui doit osciller entre 40 et 60 millions d'euros. Elles ont les meilleurs coureurs du monde, donc ce sont elles qui gagnent toutes les courses.
Aujourd'hui, si on regarde le vélo, il doit y avoir environ 20 coureurs qui pèsent sur le cyclisme mondial. Donc si vous n'avez pas un de ces 20 coureurs, ça devient difficile d'exister. On est dans le même bateau mais j'ai l'impression qu'on se tire dans les pattes en permanence. Pour le nombre de coureurs sans contrats, ce qu'il faut prendre en considération c'est que désormais, tous les coureurs ont un agent, et le portefeuille des agents ne cesse de grandir. Sauf que, face à cette augmentation, il n'y a pas eu d'augmentation du nombre d'équipes, au contraire. Donc immanquablement, il y a des coureurs qui se retrouvent sur le bord de la route.
On va revenir au sport, on est Français... Paul Seixas, tout le monde en parle, tous les médias se l'arrachent... Qu'est-ce que vous en pensez, il doit faire le Tour de France 2026 ?
Je n'ai pas de conseils à lui donner, je suis épaté. Je suis épaté par les résultats de Paul, par sa tranquillité lors des interviews, il garde un calme incroyable. C'est la pépite du cyclisme français. On a tellement envie de voir un coureur succéder à Bernard Hinault, comme le tennis a envie de voir un successeur à Yannick Noah. Je pense qu'avant de se focaliser sur le Tour de France, il faut passer par des étapes intermédiaires. Je ne vois pas un coureur briller sur le Tour sans avoir gagné le Critérium du Dauphiné, Paris-Nice, montrer des vraies choses sur des courses intermédiaires. Je pense qu'avec le recul, le mettre sur le Tour de France c'est le mettre face à une pression qui peut être négative. Il a le potentiel pour gagner le Tour, c'est certain, mais ce sera peut-être dans 4 ou 5 ans.
Il y a certes Paul Seixas, mais avec Paul Magnier, Romain Grégorie, Lenny Martinez, la France a tout pour exploser en 2026 ?
Absolument et je pense que tout ces coureurs que vous citez sont jeunes. Mais le problème dans tous ces coureurs c'est qu'ils sont quasiment tous dans des équipes étrangères. Effectivement, on a un réservoir qui est énorme, maintenant il faut se réjouir de ce noyau mais pas se dire que si on ne gagne pas le Tour de France, on n'est pas bons. On aura un vainqueur français du Tour, j'espère, dans les années qui viennent.

Cédric Vasseur : "J'ai disparu en effet... j'ai digéré la page Cofidis"