INTERVIEW - Joona Laukka : «Je ne suis pas agent dans le cyclisme par hasard...»

Par Esteban DA COSTA le 09/12/2025 à 20:00. Mis à jour le 09/12/2025 à 20:58.
INTERVIEW - Joona Laukka : «Je ne suis pas agent dans le cyclisme par hasard...»
INTERVIEW
Photo : @Cyclismactu / CyclismActu.net

Joona Laukka… ce nom ne vous dit peut-être pas grand-chose, et pourtant. Ancien coureur professionnel de 1994 à 2002, le Finlandais s’est reconverti en agent de coureurs depuis maintenant plus de 10 ans. Directeur de l'agence LC Management, Laukka compte dans son escarcelle un quaranteine de coureur - dont Paul Seixas, Jonas AbrahamsenKevin Vauquelin, Benoit Cosnefroy, Cedrine Kerbaol, Juliette Labous... - micro de Cyclism’Actu, l’homme de 51 ans revient sur de nombreux sujets : la conjoncture économique difficile que traverse actuellement le cyclisme, son rôle d’agent, mais aussi la question essentielle de la sécurité des coureurs.

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"Un certain nombre d’équipes n’ont pas forcément des problèmes financiers, mais certaines oui"

Bonjour Joona. Sur Cyclism'Actu, on a compté encore plus de 100 coureurs qui n’ont toujours pas de contrat pour 2026. Pour ceux qui ne le savent pas, Joona, vous êtes l’agent de certains coureurs. En termes de volume, de combien de coureurs vous occupez-vous ?

Des professionnels, une quarantaine.

 

Une quarantaine… Toutes les nationalités ?

Pas toutes, mais surtout des Français et beaucoup de Scandinaves, notamment des Norvégiens. Après, il y a aussi des Allemands, des Belges… un peu de tout.

 

Pour ceux qui ne se rappellent pas de vous, Joona, rappelez-nous vos faits d’armes en tant que coureur. C’était en quelle année ? Ça date un peu maintenant…

C’était tellement il y a longtemps que moi-même j’ai des trous de mémoire. J’ai été professionnel de 1994 jusqu’en 2002 dans les équipes notamment Festina, Lotto, Jean Delatour, Benfica.

 

Aujourd’hui, vous êtes agent de coureurs, c’est bien ça ?

Oui, agent de coureurs professionnels depuis un moment. Je pense que ça doit faire 13 ou 14 ans que je fais ça à plein temps.

 

En ce moment, votre tâche n’est pas forcément évidente, vu la conjoncture économique dans le cyclisme, non ?

Oui. C’est surtout que le nombre d’équipes diminue. On peut dire aussi qu’un certain nombre d’équipes n’ont pas forcément des problèmes financiers, mais certaines oui, et ça crée une situation où le nombre d’équipes baisse.

 

"Ce n’est pas seulement trouver une équipe. Il faut trouver la bonne"

C’était plus facile à votre époque, ou pas ?

Déjà, à mon époque, il n’y avait presque pas d’agents. Et il y avait beaucoup moins d’équipes. On ne peut pas vraiment comparer.

 

Quel est le travail d’un agent ? Aujourd’hui, quelle serait la plus grande difficulté ?

À la base, l’agent est là pour trouver des solutions à divers problèmes. Il faut affronter ces problèmes. En ce moment, à Calpe, je visite les coureurs, mais aussi les équipes — les bonnes agences d’équipe notamment. Il reste encore quelques places disponibles pour l’année prochaine, mais comme tu l’as dit tout à l’heure : il y a une centaine de candidats pour très peu de places.

 

Et vous, il vous reste combien de coureurs à placer, si ce n’est pas indiscret ?

Des coureurs professionnels ? Deux.

 

On peut avoir les noms, ou c’est interdit ?

Non, ce n’est pas interdit : ce sont des noms qui circulent beaucoup dans les médias. Clément Venturini et Antoine Huby.

 

Clément Venturini, qui a gagné la Coupe de France FDJ et qui n’arrive pas à trouver d’équipe… C’est étonnant ?

Mais trouver une équipe, ce n’est pas seulement trouver une équipe. Il faut trouver la bonne. Pour un coureur du niveau de Clément, il y a aussi les conditions. Comme un journaliste : s’il accepte le SMIC, c’est facile de trouver du travail, mais ce n’est pas ce qu’on cherche vraiment.

 

Vous avez lu ces derniers mois ce qui se dit sur la redistribution économique dans le vélo. Chacun propose quelque chose : Jérôme Pineau veut faire payer l’Alpe d’Huez, ASO répond que les courses resteront gratuites… Comment voyez-vous l’évolution du cyclisme ?

C’est surtout compliqué pour les équipes de niveau moyen, ou ce qu’on appelle les petites équipes. Les très grosses équipes n’ont pas d’énormes difficultés. Mais comme il manque des revenus stables, même pour les grosses, tout peut basculer rapidement au niveau économique. Comme les revenus viennent essentiellement des sponsors, si un sponsor a un problème ou change de stratégie de communication, ça devient vite problématique. Les équipes ont très peu de fonds propres.

 

Donc le problème, c’est que les équipes sont trop tributaires des sponsors. Dans d’autres sports, il y a les droits télé (football, rugby). Dans le vélo, ça n’existe pas ?

Non. Ce n’est ni un tort ni une qualité : c’est un fait. Et on ne voit pas vraiment comment faire autrement à court terme.

 

Comment éviter que les équipes disparaissent ? Arkéa–B&B Hôtels a disparu en 2026, TotalEnergies cherche un sponsor pour 2027… Ça devient compliqué. Sans gros sponsor comme UAE, Visma ou Red Bull, on n’existe plus ?

Oui, parce que les budgets ne cessent d’augmenter. Pour rester compétitif, une équipe doit augmenter son budget : pas seulement à cause des salaires, mais aussi du staff, des stages, de tous les frais annexes… Cela crée énormément de pression financière pour les équipes.

 

"Paul Seixas sur le Tour de France 2026 ? Cette décision doit être prise au printemps"

 

Quels coureurs de renom avez-vous dans votre portefeuille ?

J’en ai pas mal. Je n’aime pas utiliser leurs noms pour me promouvoir.

 

Mais il y en a un dont tout le monde parle : Paul Seixas. Beaucoup se demandent s’il doit faire le Tour de France 2026. L’agent, là-dedans, il a son mot à dire ?

Pas vraiment, mais j’en discute avec lui, comme pour beaucoup d’autres choses. Je donne mon avis. Il discute aussi avec son équipe, son entraîneur, sa famille. Je fais partie du groupe de gens qui en parlent, mais au final ce sont lui et le management sportif qui décident.

 

Vous avez forcément votre avis. Vous le dites ou vous le gardez ?

Cette décision doit être prise au printemps, pour moi. Ce n’est pas le moment de décider fermement pour un Grand Tour. C’est bien de planifier, mais il faut surtout voir comment la saison démarre, dans quel état il est, puis prendre la décision — et ne pas forcément l’annoncer tout de suite. Mais Paul (Seixas, ndlr) sait gérer cela avec son équipe. Mon avis : il n’est pas urgent de décider.

 

Le vélo a changé. À votre époque, il n’y avait pas d’agents. Comment sont-ils arrivés ? Était-ce mieux avant ou maintenant ?

Pour les équipes, c’était moins cher avant. Mais moi, en tant qu’ancien cycliste, j’aurais aimé être accompagné par un agent dans les négociations que j’ai dû faire seul. Imagine un jeune de vingt ans qui doit négocier avec un patron qui a 30 ans de plus et beaucoup plus d’expérience… Ce n’est pas confortable.

 

Le cycliste d’aujourd’hui est mieux loti qu’à votre époque ?

À tous les niveaux, oui. Vraiment beaucoup mieux. Les jeunes qui font du cyclisme de haut niveau aujourd’hui — et surtout ceux qui en vivent — ont beaucoup de chance.

 

On se connaît depuis longtemps. Vous aimez toujours autant le vélo. Qu’espérez-vous de la saison 2026 ? L’ultra-domination de Pogacar vous gêne ? Vous dérange ? Ou au contraire, vous passionne-t-elle toujours autant ?

Pour le spectacle, ce serait peut-être plus intéressant d’avoir quatre favoris et de ne pas savoir qui gagne. Mais la beauté du sport et du cyclisme, c’est que le meilleur doit gagner. Et si Tadej (Pogacar, ndlr) est le meilleur, c’est normal que ce soit ainsi.

 

Comment voyez-vous l’avenir du cyclisme ? De quoi avez-vous peur ?

Ce qui me fait peur, ce sont les accidents. J’ai l’impression qu’ils augmentent, en course comme à l’entraînement. Si on ne parvient pas à inverser cette tendance, ce sera très mauvais pour le cyclisme — et surtout pour les coureurs. J’ai perdu des collègues, des amis, des cyclistes dans des accidents mortels. Il faut protéger les jeunes et trouver des solutions. Pour moi, c'est vraiment le plus grand problème dans le cyclisme actuel. 

 

Que faudrait-il faire selon vous ?

Il n’y a pas de solution miracle. C’est un ensemble de mesures pour sécuriser courses et entraînements. Il n’y a pas de baguette magique. Et le coureur lui-même est aussi responsable, dans une certaine mesure, de sa propre sécurité. C’est un tout : c'est pas les gens extérieurs, les organisateurs et les équipes qui peuvent tout sécuriser, c'est aussi la part du coureur !

 

Si on vous avait dit, quand vous étiez coureur, que vous seriez aujourd’hui agent d’une quarantaine de coureurs, qu’auriez-vous répondu ?

J’aurais dit que c’était possible. Je ne suis pas devenu agent par hasard. Avant d’être professionnel, quand j’étais très jeune, je voulais faire des études de droit, devenir avocat. Après ma carrière, je n’avais plus envie de repartir à la fac à plus de 30 ans.
Mais l’idée d’être agent m’intéressait depuis longtemps.

 

C’est mieux d’être agent ou coureur cycliste ?

Coureur cycliste. Pour moi, c’est le plus beau métier qui existe. C’est un rêve.

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