INTERVIEW - Eddy Seigneur : «Paul Seixas... peut-être la pépite que l'on attend !»

Eddy Seigneur, vainqueur sur les Champs-Elysées en 1994, champion de France en 1995 et quatre fois champion national du chrono, est actuellement président du club amateur de Nogent-sur-Oise. L'occasion de revenir sur les difficultés que rencontrent actuellement les clubs amateurs français, mais aussi sur l'évolution du monde professionnel ou encore sur l'écrasante domination de Tadej Pogacar... Plus de 12 minutes d'interview à regarder ou à lire ci-dessous.
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"Nous devons faire appel à nos partenaires privés... sinon ça serait très compliqué de survivre"
Pour les lecteurs qui ne vous connaissent pas, Eddy Seigneur, est-ce que vous pouvez vous présenter, s'il vous plaît ?
Je m'appelle Eddy Seigneur, j'ai été cycliste professionnel dans les années 90 jusqu'en 2005. Ensuite, j'ai été directeur sportif dans diverses équipes et j'ai terminé chez IAM Cycling en 2016. Après cela, j'ai passé mes examens pour créer ma propre structure, c'est-à-dire en tant que taxi. Maintenant, depuis 6 ans, je suis taxi.
Mais vous n'avez pas encore quitté le monde du vélo puisque vous êtes directeur du club de Nogent. En quoi consiste plus précisément ce rôle ?
Ce rôle consiste principalement à gérer les subventions, les salaires et les structures du club avec les membres, afin que tout se passe au mieux et dans les meilleures conditions possibles.
Et tout va bien justement au club ?
Tout va bien, oui. On essaie de faire en sorte que cela se passe bien. Malheureusement, en ce moment, on est un peu contre le vent, car les situations ont beaucoup baissé. Que ce soit la ville de Nogent, le département ou la région, on traverse une crise qui n’est pas évidente pour les clubs amateurs. Nous devons donc faire appel à nos partenaires privés, et heureusement, certains restent à nos côtés. Sinon, cela serait très compliqué pour nous de survivre.
"On espérait un retour positif des JO... c'est même pire"
On entend souvent que le cyclisme amateur français va de plus en plus mal. Quel est votre point de vue là-dessus ?
C’est la conjoncture actuelle qui rend les choses compliquées pour nous. Ce n’est pas seulement le vélo, tous les autres sports sont également impactés. Nous dépendons des collectivités privées ou publiques, des régions ou des départements. On essaie de trouver des fonds pour faire vivre le club et permettre à nos jeunes de monter au plus haut niveau, tout en investissant dans la formation. Mais en ce moment, la conjoncture est difficile pour beaucoup d’entreprises et de gouvernements. On espérait un retour positif avec les Jeux Olympiques, mais malheureusement, ça n’a pas été le cas. Et je dirais que c'est même pire.
Michel Callot, président sortant, a récemment été réélu à la tête de la Fédération Française de Cyclisme. Selon vous, cela a-t-il été une bonne nouvelle, ou vous attendez-vous à du changement ?
Je ne peux pas encore me prononcer, car Michel Callot avait déjà pris des initiatives. Il y a certainement de très belles choses à mettre en place, mais il faut lui laisser du temps. Ce que j’espère, c’est que le cyclisme amateur ou professionnel sera pris en charge plus rapidement, et que l’on s’occupera vraiment des clubs amateurs. Je pense qu’ils ont prouvé leur valeur, mais en ce moment, il n’y a pas beaucoup de monde pour s’intéresser à nous.
Si on parle maintenant un peu du cyclisme professionnel, vous qui avez remporté une victoire sur les Champs-Élysées et les 4 Jours de Dunkerque, comment définiriez-vous le cyclisme actuel ?
Le cyclisme actuel a énormément évolué. Ce n’est plus le même cyclisme qu’il y a 7 ou 8 ans. La vitesse est beaucoup plus élevée, et maintenant, on tend à faire les choses différemment. Je ne suis pas dans les instances pour réfléchir à comment améliorer les choses, mais je vois que les cyclistes ont une longueur d’avance, même avant les instances. Il faut trouver des solutions pour éviter les excès et s'assurer que les courses restent sûres. Il y a beaucoup de choses à refaire, et une des solutions pourrait être de limiter la vitesse.
Je ne pense pas que le respect soit toujours présent. Chacun semble agir pour soi-même, et cela ressemble un peu à la société actuelle. Mais dans le vélo, on doit comprendre que l’on n’est pas là pour jouer sa vie, mais pour faire son métier, dans les meilleures conditions possibles et avec les meilleurs résultats pour l’équipe. Il ne faut pas risquer sa vie pendant les courses, ni finir à l’hôpital pour un accident.
"On ne peut pas douter de Tadej Pogacar"
Passons aux résultats. Vous suivez certainement les performances actuelles, avec notamment Tadej Pogacar. Quand on voit ses performances sur des courses comme le Tour des Flandres ou Liège-Bastogne-Liège, peut-on douter de lui ?
Non, on ne peut pas douter de Tadej Pogacar. Il semble avoir une supériorité psychologique sur les autres athlètes. Quand on le voit partir, on sait que ses adversaires risquent d'exploser rapidement. Cela devient presque trop facile pour lui. Les autres coureurs semblent se contenter de jouer pour la deuxième ou la troisième place. Mais Pogacar a un incroyable niveau, et c’est un coureur qui anime vraiment les courses. Malgré cela, il faut reconnaître que c’est très difficile pour les autres d'égaler son niveau.
Il y a d'autres champions qui s'illustrent, mais Pogacar reste au-dessus. Il a un ascendant psychologique sur ses adversaires, et cela rend les courses plus compliquées pour eux. Cependant, certains coureurs comme Vingegaard ou Roglic sont très forts aussi, mais ça reste une bataille difficile contre Pogacar.
Les jeunes français, comme Kevin Vauquelin et Lenny Martinez, semblent prometteurs. Qu'en pensez-vous ?
Il y en a quelques-uns qui sont avec des favoris. Mais on en n'entend pas encore parler. C'est vrai qu'on en fait beaucoup pour ces jeunes-là. Mais ils sont encore très jeunes. Ils n'ont peut-être pas les capacités de Tadej Pogacar mais il ne faut pas trop comparer. Ils sont tous avec les plus forts. Je suis confiant pour l'avenir. Il faut laisser le temps.
Paul Seixas, 18 ans, c'est fort ?
Oui, c'est fort. On a peut-être la pépite pour l'avenir. Il est encore jeune. Il faut le laisser progresser. Il faut quand même lui donner un bon programme qui ne va pas le tuer. Mais je pense que Decathlon AG2R La Mondiale va justement dans ce sens-là. Une carrière, c'est long et court à la fois. Mais il faut lui laisser le temps.
"Romain Bardet... c'est un grand champion"
Que retenez-vous de la carrière de Romain Bardet, qui va bientôt arrêter ?
Romain Bardet a toujours été là dans les moments décisifs. Il a gagné avec ses armes, et sa carrière a été remarquable. Il a terminé son Tour de France avec honneur l'année dernière. C'est un grand champion, et il mérite tous les honneurs.
Pour finir, avez-vous quelque chose à rajouter ?
Peut-être que l’on s’intéresse davantage au cyclisme amateur. On est un peu dans l'ombre, mais c’est grâce à des formations comme la nôtre que l’on peut créer des champions comme Romain Grégoire ou Paul Seixas. Si on ne soutient pas davantage les clubs amateurs, il sera difficile de continuer à produire des talents. La conjoncture actuelle ne nous aide pas, on essaie de démarcher des sponsors. C'est ce qu'il faut pour essayer de trouver des partenaires. Malheureusement, parfois les villes, les régions ou les départements nous aident, mais pas assez. La conjoncture fait que tout est en train d'augmenter. Malheureusement pour nous, on en subit les conséquences.