Interview - Félix Pouilly : «Montrer que j'ai ma place»

Par Benoit LAURENTI le 04/07/2015 à 12:03

Interview - Félix Pouilly : «Montrer que j'ai ma place»
Photo : Felix Pouilly / Charline Noel

 

Les signatures des stagiaires s'accumulent et Cyclism'Actu s'est attardé sur celle d'un jeune français en particulier. Pas forcément grimpeur, il préfère les pavés et en a fait sa marque de fabrique. Il, c'est Félix Pouilly, 20 ans, qui sera un coureur de Roubaix-Lille Métropole dès le mois d'Août. 

 

Bonjour Félix. Le monde amateur est vaste et il est parfois difficile de connaître tout le monde. Comment pourriez-vous vous décrire... En 3 mots ?

Hum... Dur à dire. Je dirais persévérant et passionné. Le troisième ne me vient pas à l'esprit, peut-être que la suite de notre entrevue m'aidera à trouver !

 

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Faisons comme ça ! On imagine que votre carrière en amateur ne se résume pas à 2015. Quels ont été les moments clés de votre passé ?

Je dirais deux très bonnes années juniors. Je n'ai jamais été dominateur avant ces années-là où je me suis hissé parmi les meilleurs français.

 

Quelles performances notables aviez-vous réalisé ?

En Junior, j'ai été champion de France, 8e de Paris-Roubaix, 2e de Kuurne-Bruxelles-Kuurne et j'ai gagné une étape du Regio Tour, maillot de champion sur les épaules, une semaine avant les championnats du monde avec un plateau similaire venu s'y préparer. Cette victoire au Regio Tour était face au meilleurs du moment, au sommet d'une bosse. Je m'impose devant Van der Poel, Ewan, des mecs devenus pros maintenant. 

Et maintenant, chez les Espoirs ?

Mon passage en Espoirs a été compliqué avec des problèmes au niveau des artères iliaques et enfin, depuis fin mai début juin, la roue a enfin tourné et les performances s'enchaînent alors que depuis un an et demi, c'était tout le contraire.

 

Deux opérations des artères, une fracture, un sacré contre-temps tout de même...

Je me suis d'abord fait opérer de l'artère iliaque droite en février, compromettant fortement ma saison avec une semaine d'hôpital et cinq autres d'inactivité. Puis encore quatre autres en très légère activité, à coup de 15 ou 30 minutes d'effort. La suite intervient en août où un accident de voiture m'a coûté une vertèbre et m'a contraint à 9 jours d'hôpital et trois mois de corset. On a arrangé une pièce pour moi et j'ai du rester allongé de longs moments. Et le mois suivant rebelote, une nouvelle opération mais de l'artère iliaque gauche cette fois-ci. 

On taille dans les abdominaux. J'ai deux balafres au ventre qui frottaient avec le corset. Ma reprise s'est déroulée fin octobre contre l'avis des médecins qui me conseillaient plutôt janvier. De longs mois sans aucune activité physique, rien. Aucune sortie, privé de tout. Deux mois et demi d'inactivité qui font déprimer, surtout quand on voit les mecs que l'on a cotoyé en Juniors comme Sénéchal, Jauregui, Boudat, Turgis réussir. 

 

Avec toutes ces galères que vous avez pu rencontrer... Est-ce que cela vous a déjà effleuré l'esprit de tout plaquer ?

Oui, mais paradoxalement, je n'y ai pas pensé pendant mes opérations des artères ou encore ma fracture des vertèbres après un accident de voiture. A ce moment là, je ne pensais qu'à revenir.

 

Ces opérations ont-elles influé sur votre potentiel et vos capacités physiques ?

A 20 ans, c'est là où on est supposé progresser. Moi, j'ai regréssé. Une semaine allongé, c'est redevenir sédentaire et perdre tout le bénéfice du travail cardiovasculaire. La douleur physique a aussi été importante. C'est quelque chose de marquant.

 

Cela a aussi changé votre état d'esprit.

Oui, au quotidien je me suis senti seul. Ma copine, mes amis, ça se compte sur les doigts d'une main. Parmi eux, des gens qui étaient de simples connaissances et qui m'ont surpris. On a beau eu essayer de me reconforter, la seule chose qui ait pu me consoler, c'est revenir à un tel niveau. 

 

En convalescence, on a tendance à se déconnecter un peu de la réalité...

Excatement. On est pas réaliste. On se dit que l'on va revenir et tout casser mais la difficulté arrive quand on a fait de nombreux efforts pour revenir au top et que l'on est pas recompensé pendant de longs mois. Jusqu'à ma récente place à Paris-Roubaix j'enchaînais les mauvais résultats même si j'avais fait quelques placettes par-ci par-là... C'est plus à ce moment-là que c'est dur. On se retrouve face à la réalité difficile à accepter. Faire son maximum et voir que cela ne paie pas...

 

Et puis Roubaix est arrivé !

Ma 4e place à Paris-Roubaix U23 est arrivée au bon moment. Je sortais d'une coupe de France DN1 où j'avais souffert toute la course et ça aurait pu être la goutte de trop si il n'y avait pas eu Paris-Roubaix le week-end d'après. Je n'avais pas une bonne estime de moi avant cela. Je n'arrivais pas à me satisfaire de mes résultats avec la préparation que j'avais pu m'infliger l'hiver pour être au niveau.

 

On sent un réel attachement pour cette région. Vous y faîtes un bon résultat et signez dans la foulée pour l'équipe pro.

imageOui ! J'habite à trois kilomètres du carefour de l'arbre. Mes routes d'entraînement sont celles empruntées par la classique et je baigne dans cette culture depuis mon plus jeune âge. Mon père m'a amené voir la course en 2001 lors de la victoire de Servais Knaven. Une édition dantesque qui m'a marqué et depuis, je rêve de devenir coureur.

 

Coureur professionnel, on s'en rapproche avec ce contrat de stagiaire. Pour vous ce contrat, c'est une étape ou une récompense ?

C'est très bien pour moi. Je mets un premier pied dans le monde professionnel. C'est à la fois une récompense et une étape de franchie. En début de saison je m'étais fixé comme objectif de marcher à Paris-Roubaix, gagner une course Elite et avoir un contrat de stagiaire et étant du nord, c'était l'équipe de Roubaix qui m'interessait. Ils aiment les nordistes. Tout s'est enchaîné en juin et en quelques semaines j'ai rempli mes objectifs. 

 

Tous ces objectifs validés, la suite n'est que du bonus ?

Non, car avant ce mois de juin je considérais que je faisais une saison difficile. Je n'oublie pas mes débuts et même si j'ai rattrapé le coup, il y a beaucoup à faire pour que je puisse affirmer avoir fait une saison pleine. Si je suis stagiaire et à côté de la plaque, je ne serai pas content. Je veux montrer que j'ai ma place.

 

De nombreux jeunes font des sacrifices y compris d'un point de vue alimentaire. Pour vous qui êtes passé par des moments difficiles, la privation doit être de la rigolade.

Je fais plus ou moins attention, mais je ne suis pas obsédé par cela. Je suis en revanche un fanatique de l'entraînement. Je suis celui qui m'entraîne le plus de l'équipe. Je pense travailler dur et mes coéquipiers me charient parfois. J'ai toujours été comme ça. Mon ancien entraîneur décédé en 2013 m'a appris la différence entre sortir le vélo et faire de vraies séances. Parfois cela a pu me desservir mais j'ai pris de la caisse. Maintenant je travaille un peu moins et j'ai un peu plus de jus. Le bénéfice des années passés.

 

Et puis ne pas exploiter l'aspect nutritionnel de votre entraînement, c'est un axe de progression pour la suite non ?

Manger est un plaisir. Passer son temps à avoir faim ou manger des carottes, ce n'est pas pour moi. Mais à côté de cela, je ne craque jamais. Ni dans un extrême ni dans l'autre. Pas de malbouffe ou de soda par exemple.

 

Avez-vous une idée de votre programme à venir au sein de l'équipe ?

Effectivement, à la signature de mon contrat, tout était indiqué. Un super programme, lourd en Août où je ne courrai que pour eux. Je ne courrai que le championnat de france Espoirs avec le CC Nogent mon club formateur. Polynormande, Tour de l'Ain, Tour du Poitou-Charentes avant quelques piges supplémentaires en septembre et octobre avec le Tour de l'Eurométropole pour un total d'environ 20 jours de course.

 

Septembre, c'est aussi le mois des championnats du monde. Pensez-vous à une sélection chez les U23 ?

Je pense que ce sera compliqué, à moins d'être champion de france et donc sélectionné d'office. Il y a un gros niveau chez les espoirs et beaucoup de coureurs peuvent être sélectionnés. Ma chance réside dans la présence d'une côté pavée sur le parcours et qu'en France actuellement il y a peu de coureurs "flahute". Mais pour gagner sa place, il ne suffit pas de gagner une Elite et une place d'honneur sur une grosse course. 

 

Le fait d'avoir eu du retard à l'allumage en début de saison a été préjudiciable sans doute ?

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Depuis que je suis espoir je n'ai jamais été selectionné. Il me reste beaucoup à faire mais je travaille tous les jours pour mériter un tel honneur. Je ne pense qu'il faut se fixer cela comme objectif. On doit bien marcher régulièrement et le reste vient naturellement. Si tu es bon et que tu mérites d'y être alors il n'y a pas de raison que cela ne soit pas le cas.

En Junior je me fixais beaucoup trop cet objectif et malgré ma sélection pour Paris-Roubaix et les championnats du Monde j'étais beaucoup trop déçu quand je n'y étais pas. Je ne le méritais tout simplement pas ! Si j'y avais moins pensé, j'aurais pu courir plus libéré et j'y serais alors peut-être arrivé plus souvent. 

 

Finalement, le troisième mot pour vous décrire ne serait-il pas "lucide" ?

C'est vrai. On m'a beaucoup reproché cette année mon manque de confiance mais lorsque l'on est à bloc, on ne peut pas faire mieux. Je suis réaliste sur mes capacités même si je me suprends parfois comme au championnat de France de Chantonnay où je pensais souffrir et je me suis retrouvé avec les meilleurs dans les bosses. Cette lucidité, c'est peut-être aussi une barirère. C'est quelque chose de récent depuis mes problèmes de santé.  

 

Quand on gagne on est très confiant et quand on perd, c'est l'inverse...

Tout dépend la spirale dans laquelle on est, c'est évident. A Paris-Roubaix, j'ai subi, mais j'ai fini 4e et j'ai compris que je ne devais pas être le seul à souffrir ! Je m'écoute moins depuis et même si je subis, je ne lâche rien et je pense toujours au résultat !

 

Vous venez de l'emporter sur la première étape d'une épreuve du challenge national, comment cela s'est-il passé ?

C'était une course chantier, vallonnée sur de petites routes. Un premier groupe est sorti sans aucun coureur de notre comité, puis un second avec deux équipiers "non protégés" alors dans une des bosses, nous sommes sortis à trois et sommes rentrés devant. Le peloton a explosé. Je me sentais bien malgré un dernier tour difficile, j'ai eu une crise de frissons sur le vélo et j'avais froid.

 

Froid sur le vélo ? Alors que nous sommes en situation de canicule ?

Oui, quand j'ai trop chaud, je réagis à l'inverse, je me sentais mal et j'avais froid. Dans la dernière descente à l'approche du final je me suis refait la cerise et au sprint j'ai été emmené à la perfection. Adrien Garel a mis le peloton en fil indienne au kilomètre. Puis Rayane Bouhanni a lancé le sprint et Justin Mottier mon équipier s'est mis dans la roue. J'ai juste eu à produire un effort de 10-12 secondes.

 

Une nouvelle explosion de joie alors.

Aujourd'hui j'ai gagné, mais je sais que cela peut aller très vite dans un sens comme dans l'autre. Je ne fais pas dans l'euphorie. Je fais moins dans la démonstration de joie, ne pas m'emballer. Je marche, mais j'ai encore peu peur de ce qui pourrait arriver ensuite. L'année que je viens de passer m'a changé. Maintenant j'ai conscience de la chance que j'ai. Je ne me plains pas d'aller rouler quand il pleut, je ne traîne pas ou plus des pieds en allant rouler car j'ai réalisé la chance que c'est d'être en bonne santé.

 

Il reste des étapes sur ce challenge national. L'objectif est d'emmener le maillot de leader au bout ?

Il y aura un chrono au programme et je ne suis vraiment pas bon dans ce type d'effort. A moins de récupérer une minute avant, ce ne devrait pas être possible. Je ne vais pas compter les pions pour le général. Je vais courir pour gagner, comme une course d'un jour, comme aujourd'hui.

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