Tour de France - Marc Madiot : «Vingegaard ? Il lui manque un petit truc...»

"Romain Grégoire passe bien les bosses, c’est un puncheur, mais ce n’est pas un grimpeur"

Le Tour de Suisse vient de se terminer. Votre coureur Romain Grégoire a remporté une belle victoire d’étape dès le premier jour et a porté le maillot jaune. Quel bilan tirez-vous de cette course et des performances de Romain ?

Romain a fait un bon Tour de Suisse. Il a atteint son objectif initial, qui était de remporter une étape. Il l’a fait dès le premier jour, dans des conditions difficiles, en montrant beaucoup de détermination. Ensuite, il a porté le maillot jaune pendant plusieurs jours, ce qui était un petit bonus. Cela lui a permis de jouer les premiers rôles sur plusieurs étapes. L’équipe a été à la hauteur. Je souligne aussi les belles performances de Lewis Askey, qui a décroché deux podiums dans des sprints massifs. Globalement, le bilan est plutôt positif.

Justement, après ces premiers jours en jaune, Romain a cédé dans les grosses étapes. Était-ce quelque chose d’attendu ?

Quand on affronte des étapes avec 4000 mètres de dénivelé, on est clairement en haute montagne. Romain passe bien les bosses, c’est un puncheur, mais ce n’est pas un grimpeur capable d’enchaîner les grandes ascensions plusieurs jours de suite. On savait que ce serait compliqué, mais il s’est bien battu. Tout ce qu’il a accompli sur cette semaine va lui permettre d’être très opérationnel pour le Championnat et surtout pour le Tour de France.

On le compare parfois à un coureur comme Kévin Vauquelin, qui suit une trajectoire similaire, même s’il a quelques années de plus. Est-ce que ce sont leurs qualités physiques qui font la différence et qui permettent à Vauquelin de terminer deuxième du Tour de Suisse ?

Vauquelin est un peu plus âgé, avec plus d’expérience et de vécu au niveau World Tour. C’est aussi un meilleur grimpeur sur les longues ascensions, et il a eu le temps de travailler cela. Il atteint aujourd’hui une forme de maturité là où Romain est encore en phase de développement. Il est très jeune, il a du potentiel, mais il faut le conserver dans un schéma qui lui convient : puncheur, sprinteur, passeur de bosses. C’est dans ce registre qu’il pourra le mieux s’exprimer dans la seconde partie de sa carrière.

"Vingegaard, il lui manque encore un petit quelque chose pour rivaliser avec Pogacar"

La semaine précédente, il y avait le Critérium du Dauphiné. Cette fois, pas de victoire d’étape pour votre équipe, mais Guillaume Martin a décroché un top 10. Était-ce le résultat attendu de sa part ?

Guillaume est un très bon coureur de courses par étapes. Il s’impose avec le temps et l’usure du peloton. Il a parfaitement répondu à nos attentes sur cette semaine du Dauphiné. Ce n’est peut-être pas un coureur très spectaculaire au premier abord, mais il est accrocheur, mentalement très fort. Il ne lâche jamais. J’en suis certain, il nous apportera de belles satisfactions sur le Tour de France.

Bien sûr, toute la lumière sur ce Dauphiné était braquée sur la bataille des favoris du Tour de France. Finalement, la hiérarchie a semblé très marquée : Pogacar a écrasé Vingegaard, qui lui-même a écrasé le reste du peloton. Que retenez-vous de cette confrontation entre les grands leaders ?

On voit que Pogacar est à son meilleur niveau, surtout en montagne. Il reste peut-être quelques détails à ajuster sur le chrono, mais globalement, il est très fort depuis le début de saison. Vingegaard m’a semblé en forme, mais il lui manque encore un petit quelque chose pour rivaliser avec Pogacar sur toute la ligne. Il y a clairement un écart entre eux deux et le reste, même si Evenepoel est aussi à un excellent niveau. La hiérarchie de l’an dernier semble se confirmer.

Selon les bookmakers, il y a un écart énorme entre Pogacar et les autres favoris. Partagez-vous cette vision d’un immense favori ?

Je nai pas vues les côtes, mais si on se fie à ce qu’on a observé, il n’y a pas besoin d’être un grand spécialiste pour dire que Pogacar est le favori numéro un. Mais il faut toujours se méfier. Le Tour, c'est trois semaines avec beaucoup d’embûches : la montagne, les chronos, les étapes piégeuses, le vent, la gestion du peloton… Il y a beaucoup de paramètres qu’on essaie de contrôler, mais qu’on ne maîtrise jamais à 100 %. Il y a toujours les aléas de la course. Donc tout reste ouvert, même si sur le papier, Pogacar coche plus de cases que les autres.

"Un Gaudu à son meilleur niveau..."

Concernant votre équipe pour le Tour, quelles seront les ambitions ? On sait que Guillaume Martin, David Gaudu, Romain Grégoire ou encore Valentin Madouas devraient être présents. Quels seront les objectifs de Groupama-FDJ sur les trois semaines ?

Comme beaucoup d’équipes du "ventre mou" du peloton World Tour, notre objectif principal est de décrocher une victoire d’étape. Ensuite, être le plus proche possible des meilleurs, notamment avec Guillaume Martin. On a une bonne équipe, homogène, et on espère obtenir de beaux résultats, dans la continuité de ce qu’on a montré au Tour de Suisse. En combinant les enseignements du Dauphiné et du Tour de Suisse, on devrait être bien armés.

Vous avez mentionné Guillaume Martin pour le classement général. Qu’en est-il de David Gaudu ? Sera-t-il au départ du Tour, et avec quelles ambitions ?

On n’en est pas encore là. On fera le point à l’issue du championnat de France. Un Gaudu à son meilleur niveau peut jouer dans les mêmes sphères que Guillaume. On va voir comment il se sent physiquement dans les prochains jours, et on en tirera les conclusions.

Donc, la sélection pour le Tour de France n’est pas encore finalisée ? Vous attendez les championnats nationaux ?

Oui, certaines idées commencent à émerger, mais il est encore trop tôt pour en parler.

"On espère toujours ramener au moins un maillot des Championnats de France"

Justement, les Championnats de France approchent, avec d’abord le contre-la-montre, puis la course en ligne. L’an dernier, vous n’aviez remporté aucun des deux. Quel est l’objectif cette année ?

Quand on va aux Championnats de France, on espère toujours ramener au moins un maillot. Le contre-la-montre compte, mais c’est surtout la course en ligne qui est l’élément phare du week-end. C’est une course que toutes les équipes veulent gagner, au moins de temps en temps, si ce n’est le plus souvent possible. L’objectif est donc clair : devenir champion de France dimanche. Et si on peut aussi le faire sur le chrono, comme on l’a déjà fait par le passé, ce serait parfait.

Quelles seront vos cartes maîtresses sur cette course ? Est-ce qu’on s’attend à une course très tactique ou à une course "à la pédale", comme lors du sacre de Valentin Madouas il y a deux ans ?

Il faudra d’abord voir le parcours, qu’on ne connaît pas encore en détail. On le visualisera ce week-end. Les conditions météo annoncées, avec de fortes chaleurs, auront aussi leur importance. Tous ces éléments combinés devraient donner lieu à un beau championnat, mais pour l’instant, il est difficile de désigner un favori au sein de l’équipe.

Dernière question avant de vous laisser. On est fin juin, à la mi-saison. Quel est votre bilan à ce stade pour l’équipe Groupama-FDJ ?

Le bilan est correct : on compte neuf victoires, on a été performants sur plusieurs courses. Mais on sait tous que c’est le mois de juillet qui est déterminant. Tout ce qui s’est passé avant est intéressant, mais tout est remis en jeu à partir du 1er juillet.