ITW - Stéphen Delcourt : «Mon job... empêcher que la SD Worx gagne tout !»

Par Titouan LABOURIE le 22/02/2024 à 20:15. Mis à jour le 24/02/2024 à 21:18.
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Photo : @Cyclism'Actu / CyclismActu.net

L'Entretien Cyclism'Actu, épisode 2 ! Après Christian Prudhomme, c'est au tour du manager général de la FDJ-SUEZStéphen Delcourt, de se prêter à notre nouvelle rubrique suite à la présentation ce lundi de son équipe, la seule formation française de l'UCI Women's WorldTour et la plus ancienne du peloton féminin. De Vienne Futuroscope en 2006 en passant par FDJ-Nouvelle Aquitaine-FuturoscopeFDJ-SUEZ et son manager historique entament leur 19e saison (déjà !) avec trois victoires au compteur et l'envie de venir détrôner la toute puissante SD Worx au sommet du classement UCI. A notre micro, Stéphen Delcourt affirme ses ambitions de faire grandir son équipe et le cyclisme féminin... mais pas trop vite ! L'Entretien Cyclism'Actu avec Stéphen Delcourt, c'est maintenant.

Vidéo - L'Entretien Cyclism'Actu... avec Stéphen Delcourt !

 

L'équipe FDJ-SUEZ fait partie du WorldTour depuis sa mise en place en 2020. La première équipe française, et la seule pour le moment.

On y est arrivé dès la première année, en 2020. On est l'équipe la plus ancienne du peloton. Mais ça ne suffit pas. C'est important de regarder d'où on vient, mais surtout de regarder où on va maintenant. Il faut être tenace, car quand en 2006, Gatien Merlot a créé l'équipe, beaucoup ont dit que c'était un feu de paille et que ça ne tiendrait pas. On ne les a pas écoutés, on s'est concentré à faire au mieux sans se dire que ça n'allait pas marcher. On a grandi étape par étape, et même si on aurait dû mourir dix fois, on est encore là ! Le message, c'est que quand on croit à quelque chose, il faut aller jusqu'au bout des choses.

 

Il y a un message que vous voulez faire passer. N'allons pas trop vite pour le cyclisme féminin, c'est bien ça ?

Évidemment, le cyclisme féminin va vite. Mais il faut être vigilant, notre sport n'est pas encore mature. Ça reste un sport, une compétition, où l'on veut être le meilleur, mais c'est vrai que ces dernières années ça a été très vite. On manque encore de densité.

 

Après une saison 2023 record, à quoi s'attend-on pour 2024 quand on est manager général d'une équipe féminine comme la FDJ-SUEZ ?

On s'attend à encore plus de concurrence. On a déjà gagné trois fois en ce début de saison, mais il a fallu redoubler d'effort pour ça. On voit que les équipes sont plus nombreuses au plus haut niveau et travaillent de mieux en mieux. Pour se démarquer, il faut travailler encore mieux qu'elles !

 

On a le sentiment que le cyclisme ressemble beaucoup au cyclisme masculin, avec 4/5 équipes qui dominent, et le reste. Vous partagez cette impression ?

Non, je dirais que c'est différent. Il n'y a vraiment qu'une seule équipe qui ultra-domine, la SD Worx-Protime, avec plus de 60 victoires. Et après on est 4 ou 5 à dépasser les 20 victoires. Mais nous, on ne veut pas laisser ça comme ça, on doit tout faire pour essayer de renverser SD Worx et faire comme en 2022 : inscrire notre nom au palmarès des plus grandes courses que sont les Monuments.

 

Cette équipe SD Worx, c'est vraiment l'épouvantail ?

Exactement : elles ont remporté les trois Ardennaises, deux Grands Tours sur trois... Notre enjeu à nous, c'est de travailler différemment, d'avoir une stratégie plus dans l'anticipation, et qu'on les laisse travailler. Elles ont la meilleure sprinteuse au monde, on ne doit pas leur emmener à chaque fois sur un plateau toutes ces victoires.

 

Vous êtes la seule équipe française du WorldTour, mais de plus en plus internationalisée, avec des coureuses étrangères.

On est une équipe internationale mais française. On est très fiers de nos deux partenaires titres, qui sont deux entreprises françaises, même si elles se tournent de plus en plus vers l'international. Mais quand on vise le plus haut niveau, on ne peut pas être "mono nationalité". Bon, peut-être que si on était Hollandais, je vous répondrais différemment, car cette nation domine le cyclisme féminin.

On a vraiment envie d'être au top du top, et pour ça, la culture internationale est importante, vous l'avez vu avec l'arrivée de Lieselot Decroix comme co-directrice de la Performance (la Belge est arrivée le 1er novembre dernier, ndlr). C'est un signe fort qu'on s'engage dans la performance, mais sans oublier nos valeurs, car on est fiers d'être Français.

 

Ces valeurs humaines vous caractérisent depuis le début ?

Tout à fait, l'équipe est une entreprise familiale, avec un modèle unique. On n'appartient pas à un pays, on n'appartient pas à une entreprise, mais à quelques personnes qui ont cru dans ce projet fou et qui veulent pousser l'aventure encore plus loin et plus haut.

 

Un calendrier dense s'annonce pour 2024. Avec les JO de Paris 2024, le Tour de France Femmes avec Zwift ne sera pas dans la continuité du Tour de France. Est-ce que vous craignez ce décalage et ce changement ?

Non je ne le crains pas, il faut savoir s'adapter et être agile dans un moment historique pour notre pays. On va accueillir les JO et le monde entier va regarder la France, donc c'est tout à fait normal. Et je remercie encore ASO d'avoir tenu ses promesses d'organiser le Tour de France Femmes malgré les JO. Ce n'est vraiment pas facile pour un organisateur d'organiser tout ça sur une année olympique, sachant que les forces de l'ordre seront mobilisées à fond pour les JO. Ce sera une année spéciale, mais on ne va pas crier avant d'avoir mal. Je suis persuadé que ça peut être un très beau Tour de France, et on reviendra sur notre date initiale en 2025.

 

Comme un symbole, ce Tour partira des Pays-Bas, le pays du vélo féminin et de l'équipe phare SD Worx.

Oui, c'est le pays numéro un du vélo féminin, elles dominent notre sport depuis quelques années. C'est un clin d'oeil qui est symbolique mais qui est fort. De notre côté, on a vraiment envie d'y aller, mais aussi et surtout d'y gagner !

 

Le cyclisme féminin grandit, vous l'avez dit. En France aussi, mais on a l'impression qu'il manque un petit quelque chose... Une victoire française sur le Tour de France Femmes, forcément ça déclencherait quelque chose ?

Effectivement. On le sait, dans notre pays on est très patriote, on a besoin d'une Française ou d'un Français sur le Tour de France qui succède au palmarès de Bernard Hinault. Ça va arriver, on a quand même de plus en plus de Françaises de haut niveau, et on n'est pas la seule équipe française à performer. On peut saluer St Michel-Mavic-Auber 93, Cofidis qui travaillent vraiment dans le bon sens. On voit qu'Arkéa a aussi décidé d'investir fort dans le cyclisme féminin. On a des Françaises qui jouent la gagne sur toutes les courses au monde, donc il y en aura une qui gagnera sur le Tour, il faut juste être patient. Même si je sais que ce n'est pas la qualité première de notre pays (Rires).

 

Justement, en tant que manager, vous êtes heureux de voir cette concurrence qui arrive des autres équipes françaises ? C'est salutaire pour le niveau du cyclisme féminin français ?

Oui. Car plus il y aura de concurrence, plus on devra être fort et ça nous poussera dans nos retranchements. Aujourd'hui, on ne souhaite pas être numéro un en France, mais être numéro un dans le monde. Alors il reste encore une grosse grosse marche entre notre 5e place mondiale et la première, il va falloir travailler dur. Mais ça fait plaisir de voir nos collègues des équipes françaises grandir. Il y a une compétition interne mais surtout beaucoup de respect entre nous.

 

Qu'est ce qu'il faut faire pour passer de cette 5e à la 1ère place mondiale ?

Travailler dur, être stratège et malin sur le recrutement et tactiquement, et pousser tous les leviers qu'on peut pousser dans le management, l'accompagnement mental, l'entraînement, le matériel... Et puis s'entourer des meilleurs.

 

Vous êtes un fervent défenseur du cyclisme féminin, on vous voit souvent monter au créneau du côté de l'UCI. Si vous aviez un souhait pour voir son évolution se poursuivre en 2024 ?

Mon premier souhait va être exaucé en mars, avec désormais deux membres du cyclisme féminin pour les équipes, deux pour le syndicat des coureurs, et deux pour les organisateurs qui feront partie du Professional Cycling Council, soit l'entité et la commission la plus pesante au sein de l'UCI. Le cyclisme féminin y sera enfin représenté.

Ce que j'attends derrière, c'est qu'on grandisse à notre rythme. Et on le voit au jour le jour, ce rythme va très vite. Mais il ne faut pas qu'on casse tout ce qu'on est en train de construire. Mon souhait le plus grand, c'est que le cyclisme féminin grandisse, s'installe dans le calendrier mondial de notre sport, et que les petites filles puissent rêver un jour d'avoir le maillot jaune.

 

Dans ce cas, quelle est votre principale crainte pour 2024 ?

Ma crainte, c'est qu'on aille trop vite, qu'on casse ce rythme d'évolution et qu'on explose en plein vol. On a déjà vu des sports qui ont grandi trop vite pour devenir un sport majeur, et au final ils ont tellement grillé les étapes qu'ils sont redevenus un sport mineur. Aujourd'hui, on a besoin de personnes qui structurent notre sport étape par étape, en structurant chaque étape. Et pas juste aller de A à Z sans passer par toutes les lettres. Mon autre crainte, c'est qu'il n'y ait pas de concurrence, que SD Worx gagne tout, et que les gens se lassent. Mon job à moi, c'est de tout faire pour les empêcher de tout gagner, mais ça c'est du sportif. On fera tout pour ça dès 2024 et dans les années à venir.

 

Pour conclure, qu'est-ce qu'on vous souhaite pour les mois à venir ?

De briller sur les Monuments, car c'est là qu'on écrit l'Histoire de notre sport, de faire vivre des émotions, et être capable d'y lever les bras, car on travaille et on vit pour ça.

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