Chronique - Jeff Rhein : «Paris-Roubaix, on a évité le pire»
Par Valentin GLO le 12/04/2016 à 07:53
Vidéo - Paris-Roubaix 2016 - Elia Viviani percuté par une moto
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Le 114e Paris-Roubaix a vu la victoire de l'Australien Mathew Hayman (ORICA-GreenEDGE). A presque 38 ans, il remporte le plus beau succès de sa carrière après s'être glissé dans l'échappée du jour. Cet Enfer du Nord a également été marqué par la chute d'Elia Viviani, percuté par une moto dans la Trouée d'Arenberg. Jean-François Rhein a couvert 33 Tours de France et autant de Paris-Roubaix sur les ondes de Radio France, dont 25 sur moto suiveuse en fréquentant Roger Zabel, Jean-Jacques Bourdin, Jean-René Godart ou encore le regretté Jean-Paul Brouchon. Notre chroniqueur et consultant de luxe, Jean-François Rhein analyse ces événements pour Cyclism'Actu.
"Mathew Hayman, un exploit similaire à celui de Dirk Demol"
Coup de chapeau à Mathew Hayman dont le dernier succès remontait à Paris-Bourges en 2011, Hayman le deuxième Australien à remporter Paris-Roubaix après Stuart O'Grady en 2007. Sa victoire suscite l'admiration de tous, à commencer par celle du Belge Dirk Demol, auteur d'un exploit similaire en 1988 après s'être glissé dans l'échappée matinale. Cela prouve que tout est possible et imaginable sur l'Enfer du Nord, même avec "l'âge du capitaine", 21 ans pour Albert Champion en 1899, quasiment 38 pour Hayman, presque autant que Gilbert Duclos-Lassalle en 1993.
"Elia Viviani, c'est un miracle"
Mais que dire de l'organisation de l'épreuve si ce n'est qu'on a une nouvelle fois frôlé le drame ? 15 jours seulement après la chute mortelle d'Antoine Demoitié sur les routes de Gand-Wevelgem, les images prises ce dimanche par un spectateur dans ce chemin d'un autre âge qu'est le "boyau" d'Arenberg, peuvent en témoigner. On y voit la chute d'une grosse partie du peloton avec plusieurs coureurs à terre. L'un d'eux est percuté par une moto dont le pilote est même pris à partie par un coureur. Elia Viviani, car c'est de lui dont il s'agit, sera transporté à l'hôpital pour une contusion au sternum. Inimaginable, inconcevable, après le drame vécu deux semaines auparavant en Belgique. Comment peut-on en effet permettre à une moto d'être au contact des coureurs à cet endroit précis, réputé comme étant l'un des secteurs les plus dangereux de l'épreuve ? Il eut été plus judicieux de se contenter des caméras fixes placées tout au long des 2 400 mètres de ce boyau infernal, voire d'une simple vue d'hélicoptère. Nous l'avons échappé belle. C'est un véritable miracle, un de plus.
"Une totale inconscience"
D'autant plus que, quelques kilomètres en amont, certains ont assurément "joué avec le feu". Des observateurs, dont d'anciens coureurs ou directeurs sportifs, n'ont pas manqué en effet de signaler la présence, à leur grand étonnement, de soigneurs chargés de ravitailler en bidons leurs coureurs sur les premiers secteurs pavés de la journée. Un exercice périlleux, car pour se saisir du bidon le coureur est obligé sur les pavés, excusez du peu, de tenir le guidon d'une seule main. S'il tombe, bonjour les dégâts. S'il perd le bidon, il oblige les coureurs qui le suivent à faire un écart imprésivible et pour le moins dangereux. La présence d'un mécanicien pour changer une roue si nécessaire peut être tolérée, mais de là à autoriser un ravitaillement "sauvage", cela me semble totalement injustifié. Non, non et non ! Cela n'engage que moi mais j'assume, cela relève d'une totale inconscience, voire d'une totale incompétence. Inutile de rajouter du danger au danger. Cela tombe sous le sens. Ceci n'est pas une critique, mais une constatation. Il ne faut surtout pas baisser la garde, il faut rester vigilant. Le danger est partout. Toujours est-il qu'il va falloir continuer à se pencher sérieusement sur les problèmes de sécurité en course. Et ce, même si le risque zéro n'existe pas, et n'existera jamais.
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