Mauro Gianetti : «Toutes ces critiques... ce n'est pas correct»
Tour de FranceMême si Tadej Pogacar ne s'est pas imposé ce vendredi sur la 19e étape du Tour de France, terminant 3e à La Plagne derrière l'héroique Thymen Arensman (INEOS Grenadiers) et un Jonas Vingegaard (Visma | Lease a Bike) attentiste dans la montée finale, le Slovène a fait un grand pas vers la victoire finale et, sauf incident, devrait remporter ce dimanche une quatrième Grande Boucle. Après les Alpes, le patron de l'équipe du Slovène, Mauro Gianetti est revenu pour Cyclism'Actu sur cette fin de Tour de France, en établissant un parallèle intéressant entre son champion et... le champion de tennis Roger Fededer.
Mauro Gianetti après la 19e étape du Tour
"C'était un jeu de nerfs entre Tadej et Jonas..."
Mauro, qu'est-ce qu'on se dit quand on a fini les Alpes ?
On se dit qu'on est quand même près de Paris et c'est une bonne chose. On a passé encore une très belle journée. On a essayé, Tadej voulait quand même essayer de gagner cette étape. Il est resté seul sans un coéquipier mais même Jonas n'en avait pas, donc il a dû prendre la responsabilité de rouler parce que Jonas voulait jouer son jeu, c'est normal. Il faut rester encore un peu concentré mais on s'approche.
Vous les craigniez ces Alpes avec ce changement de temps, la pluie annoncée, le froid et au final c'est passé ?
C'est toujours un peu critique, parce qu'ils ont l'habitude de la grosse chaleur et en plus on a avec les boyaux à une certaine pression et puis il y a la pluie, tu arrives dans la descente et tu as peut-être trop de pression et ça peut devenir dangereux. Il y a un tas de choses qui changent les données quand il pleut, mais bon, les coureurs, avec de la fatigue dans les jambes de tout le monde, ont quand même su bien gérer toutes les situations.
C'est bizarre parce que Tadej l'avait dans les jambes, il n'était pas loin, il n'est pas allé chercher l'étape, pourquoi ?
Je crois que c'était un jeu de nerfs entre lui et Jonas. Jonas a pu faire la montée dans la roue de Tadej, donc il avait épargné de l'énergie pour le sprint et je pense que Tadej pensait attaquer assez tôt pour pouvoir reprendre Arensman et faire le sprint pour gagner l'étape, mais Vingegaard pensait la même chose : "J'espère qu'il attaque assez tôt pour qu'on puisse reprendre Aresman et que je le batte au sprint." Les deux ont un peu joué sur l'attente que l'autre attaque assez tôt et puis finalement ni l'un ni l'autre n'a attaqué et Arensman a bien mérité cette victoire.
Donc à ceux qui disent que Tadej Pogacar et la UAE Team Emirates sont arrogants, c'est faux ?
Mais je crois qu'on n'a jamais été arrogants. C'est dommage parce que je crois que c'est une bataille loyale avec Vingegaard et tous les autres depuis 4-5 ans. Des fois on utilise des mots ou des situations pour parler d'arrogance mais je pense que ce n'est pas correct parce qu'on est correct, on fait notre course et c'est normal qu'on essaie de gagner. On respecte tout le monde donc je pense que c'est un peu des critiques gratuites qui sont contraires à ce qu'on voit depuis 5 ans. Le fait qu'il y a Tadej et Jonas qui sont aussi costauds, qui donnent du spectacle et le fait qu'il y a d'autres équipes fortes comme Red Bull qui sont là, ça pousse tout le monde à travailler mieux, à être plus concentré, de façon que ce sport soit le plus beau possible et ce qu'on voit depuis quelques années, c'est une belle histoire entre nous et Visma.
Dans le vélo, quand il y a une équipe qui domine, un coup l'UAE Team Emirates, un coup la Visma | Lease a Bike, on doute. Pourquoi dans le vélo on doute en fait ?
Le vélo il a quand même malheureusement une histoire pas jolie dans le passé mais c'est vrai que maintenant le cyclisme a évolué tellement bien que c'est un peu dommage. Ca fait partie d'une vieille culture et c'est difficile de faire quelque chose. Dans les autres sports, on apprécie les champions que ce soit dans le tennis, le basket ou quoi que ce soit mais on a un peu de la peine à accepter qu'il y a des grands champions aussi dans le vélo.
Vous êtes tout proche d'un quatrième Tour de France pour Tadej Pogacar. Mauro, quand vous l'avez récupéré, est-ce que vous vous êtes dit à l'époque, c'est possible un jour qu'il soit à quatre Tours de France bientôt ?
Mais on l'a connu quand il avait 18 ans, quand il gagnait ses courses un peu partout en junior et puis comme il avait 23 ans, on l'a suivi de plus près et puis juste avant qu'il gagne le Tour de l'Avenir, on avait assuré son contrat pour quelques années. On pensait qu'un jour il pouvait être un vainqueur de Tour de France. Qu'en six Tours de France, il puisse être six fois dans les premières deux positions, c'est quand même extraordinaire. Mais quand je l'ai connu la première fois, personnellement, j'ai eu une sensation vraiment particulière. C'est la même sensation que j'ai eue quand j'ai rencontré la première fois Roger Federer, il avait 18 ans.
Il n'était pas encore numéro un mondial, c'était un jeune qui grandissait dans le tennis, j'ai eu la sensation d'une énergie incroyable, de quelqu'un qui était vraiment quelque chose de plus qu'un champion d'un sport et j'ai appelé ma femme, je lui ai dit : "je crois avoir rencontré quelqu'un qui va devenir quelque chose d'exceptionnel dans le sport parce que je n'ai jamais eu cette sensation-là". Et quand j'ai connu personnellement Tadej, qui avait 18 ans, j'ai eu la même sensation. Je me suis senti envahi d'une personnalité, d'une énergie, d'un calme, c'était le même que Federer. Donc je me suis dit, bon, on va se laisser surprendre par ce gars.
Ce parallèle Roger Federer-Tadej Pogacar, ça veut dire que Tadej Pogacar serait sur la lignée de ce qu'a pu faire Roger Federer ?
C'est un mec gentil, sérieux, appliqué, il aime les gens, il apprécie tout le monde, c'est tout le contraire d'un arrogant. C'est un coureur qui respecte tout le monde à commencer par ses coéquipiers. Il faudrait voir comment il traite tous les mécanos, les soigneurs... Pour lui, ce sont tous des personnes importantes, ce n'est pas un soigneur. Non, lui c'est le premier qui respecte tout le monde. Et puis comme résultat, parce qu'on voit, un peu comme Federer, il donne du spectacle, il a la classe quand il fait les choses.
Un dernier mot, Mauro, à ceux qui doutent, à ceux qui s'inquiètent, à ceux qui ont peur, qu'est-ce que vous pouvez nous dire ?
Nous, on fait ce qu'il faut faire bien pour que ce sport soit joli et soit aimé.
Publié le par Paul-Antoine STEVENIN