Marion Rousse : «L’impression que c'était écrit... »
Tour de France FemmesÀ l’issue du Tour de France Femmes avec Zwift, la directrice de l’épreuve Marion Rousse revient sur une édition historique, marquée par la victoire de Pauline Ferrand‑Prévot (Visma | Lease a Bike), première Française à remporter la course moderne. Entre émotion, reconnaissance envers le public et ambition pour l’avenir, elle retrace les moments forts de cette semaine unique pour le cyclisme féminin.
Marion Rousse fait le bilan sur cette 4e édition
"Pauline a aussi besoin de redescendre un peu"
Vous semblez très émue. Comment vous sentez-vous après cette semaine ?
Je crois que je vais avoir vraiment besoin d'une petite pause. Il faut quelques heures pour redescendre, parce que depuis hier, ce qui se passe est tout simplement incroyable pour le sport en général, pour le sport français. Depuis le premier jour, depuis ce départ à Vannes, tout a été parfait. La foule a répondu présente, les coureuses nous ont offert un spectacle incroyable. Et en plus, avec quatre victoires françaises d’affilée, Pauline qui vient chercher le maillot jaune… on a l’impression que tout était écrit tant c’est beau.
Ce matin, vous disiez vouloir discuter avec elle pour savoir si elle allait revenir. L’avez-vous fait ?
Oui, oui, je l’ai vue, on a bien parlé. Je pense qu’elle a aussi besoin de redescendre un peu, mais connaissant Pauline, je crois qu’elle a encore plus envie de marquer les esprits. Mais quand même… gagner Paris-Roubaix et le Tour de France Femmes la même année, c’est hors norme.
Qu’est-ce qui, selon vous, a fait la différence ? On a vu Kasia Niewiadoma et Demi Vollering au même niveau, mais Pauline a marqué les esprits.
Je crois que c’est une question de talent. Je connais Pauline depuis toute petite, et depuis qu’on a commencé la compétition ensemble, elle a toujours tout gagné. Elle a toujours eu quelque chose en plus. Et quand on ajoute à cela le sérieux, la persévérance, et un mental de championne, on obtient des coureuses hors normes, Pauline en fait partie. J’ai aussi parlé avec Stephen Delcourt, j’ai vu Kasia Niewiadoma, j’ai vu Demi Vollering… Elles étaient contentes pour le cyclisme. Elles m’ont toutes dit : "Le vélo a gagné". Et surtout, elles sont déjà dans un esprit de revanche pour l’année prochaine. Elles m’ont dit : "Maintenant, on sait qu’il faut travailler encore plus dur pour atteindre le niveau de Pauline."
Et vous, comment voyez-vous la suite ?
Mon parcours est presque tracé, je ne vais pas vous mentir. On travaille toujours avec un an d’avance, donc je suis déjà sur le parcours de 2027. Ce qu’on a vu aujourd’hui, et tout au long de la semaine, pas seulement aujourd’hui, montre à quel point le cyclisme féminin a toute sa place à la télévision, et toute sa légitimité à porter l’appellation de Tour de France. Ce que j’ai vu, ce n’était pas un Tour de France Femmes avec Zwift, c’était un vrai Tour de France. C’est notre plus belle réussite. J’étais avec les parents de Pauline au pied du podium. Ils m’ont dit : "Tu te souviens, il y a 20 ans, quand vous faisiez la guerre aux garçons toutes les deux ?". Et je me suis dit qu’un beau chemin avait été parcouru. Ça fait du bien.
"C’est le Tour le plus abouti, le plus accompli"
Avec un peu de recul, pensez-vous qu’elle a plus savouré sa victoire olympique ou celle d’aujourd’hui ?
Ça, il faudrait lui demander. Je ne sais pas du tout comment elle a vécu son titre olympique. Moi, j’étais devant la télé ce jour-là, donc c’est une expérience différente. Mais les deux victoires sont exceptionnelles. Ce que j’ai aimé ici, c’est de le vivre aux premières loges. Et puis il y a toute l’intensité qu’on y met. Je ne travaille pas juste une semaine pour préparer la course : c’est un travail qu’on mène tout au long de l’année, un vrai travail d’équipe. Quand ce travail est récompensé par de si belles courses et de si belles vainqueuses, on a encore plus envie de s’investir pour les années à venir. Quand ton travail est reconnu comme ça, c’est magnifique.
Aujourd’hui, Pauline semblait plus lucide qu’hier...
Oui, je crois qu’elle avait un peu plus réalisé ce qui se passait. Hier, il y avait peut-être davantage le choc de porter le Maillot Jaune pour la première fois de sa carrière.
Que dit-elle de l’empreinte qu’elle laisse dans l’histoire du sport, et dans celle de ce Tour ?
Je crois que Pauline n’avait même pas besoin de notre compétition pour marquer l’histoire de son sport. Elle avait déjà tout gagné. Ce qui est fort chez elle, c’est qu’elle s’est imposée dans des disciplines très différentes : cyclo-cross, VTT, route… Elle est exceptionnelle. Et là, on ne parle même plus d’athlète féminine ou d’athlète française. On parle d’athlète, tout court. Elle a véritablement marqué l’histoire de son sport. On s’en souviendra tous.
C’est le plus beau Tour de France que vous ayez vécu ?
C’est le plus abouti, le plus accompli, oui. J’ai vu un vrai Tour de France. C’est incroyable.
Publié le par Titouan LABOURIE