Ronan Augé : «Le Tour, c’est le rêve de tout cycliste, mais...»«
INTERVIEWRonan Augé, fils de Stéphane Augé, poursuit son ascension vers le très haut niveau. Après une saison pleine avec le CIC U Nantes, le Béarnais rejoindra en 2026 l’équipe Unibet Rose Rockets, qui pourrait bien décrocher une invitation pour le Tour de France. À 21 ans seulement, il raconte au micro de Cyclism'Actu un parcours sans précipitation, construit sur la patience, la maturité… et un talent évident.
"J’étais en discussions avec d’autres équipes, mais Unibet..."
Bonjour Ronan, comment vas-tu et où en es-tu dans ta préparation ?
Déjà merci beaucoup pour l’invitation. Je vais très bien. J’ai repris il y a une dizaine de jours après le kick-off, comme ils appellent le stage d’intégration chez Unibet. Je suis en pleine préparation hivernale.
Tu étais au CIC U Nantes, te voilà chez Unibet Rose Rockets. Comment s’est fait ce transfert ?
J’ai fait une bonne saison avec Nantes, notamment un bon début d’année après le Tour de Bretagne. Ils m’ont contacté via Instagram, de manière très naturelle. On a échangé plusieurs fois avant les Championnats de France Élites, et derrière ils m’ont proposé un contrat assez rapidement. La transition s’est faite tôt dans la saison, ce qui m’a enlevé beaucoup de pression pour la fin d’année où il faut parfois aller chercher un contrat. Ça m’a permis de rester concentré sur les courses.
Tu savais donc dès juin-juillet où tu allais courir en 2026 ?
Oui, complètement. Ça m’a permis d’être focus sur mes performances et d’aller chercher des résultats. Le fait que tout se fasse tôt dans la saison a été très positif.
As-tu eu d’autres propositions d’équipes de plus haut niveau ?
Unibet était la principale proposition. J’étais en discussions avec d’autres équipes, mais Unibet a été la première à venir vers moi, et l’entente s’est faite immédiatement. On avait le même projet. Même si d’autres équipes sont arrivées par la suite, mon choix était clair.
"Je ne me suis pas découragé"
Tu as déjà beaucoup bougé : Pau, CIC U Nantes junior, puis la Conti Groupama-FDJ, avant de revenir au CIC U Nantes. Comment expliques-tu ce parcours ?
CIC U Nantes m’a formé en junior, mais je voulais passer par un programme Espoir complet avant de me lancer dans les Coupes de France et les classes 1. La Conti Groupama-FDJ offrait exactement ce niveau intermédiaire. Au bout de deux ans, je me sentais physiquement assez mature pour franchir un cap et rejoindre Nantes, afin de découvrir les Coupes de France, les classes 1, quelques ProSeries comme les 4 Jours de Dunkerque. J’ai pris mon temps, je n’ai pas brûlé les étapes, et avec le recul c’était la bonne décision. Nantes a été un pilier énorme dans ma carrière.
Beaucoup de jeunes passent en Conti, ne vont pas en WorldTour, et se découragent. Toi, tu as rebondi. Qu’est-ce qui a fait la différence ?
J’avais conscience que je partais de loin en termes de volume d’entraînement : en junior, je n’avais pas la même base que d’autres. Je savais qu’il fallait du temps pour encaisser les charges. Une fois que le volume serait là, le niveau suivrait.
Je ne me suis pas découragé. Bien sûr, il y a des exceptions comme Paul Seixas, Lenny Martinez, Romain Grégoire ou Cian Uijtdebroeks. Mais ça ne doit pas devenir la norme. Le développement physique, ça prend du temps. Et le monde pro est dur : le programme est chargé, le niveau très élevé, la tête peut vite lâcher. Moi, je suis resté dans ma ligne.
Tu avais donc un peu de retard en junior. On peut dire que tu es un coureur “à progression lente” ?
Oui, totalement. En junior 2, je n’avais que 13 000 km dans l’année, ce qui est très peu par rapport aux juniors actuels. Je ne pouvais pas passer d’un coup à 23 000 ou 25 000. J’ai augmenté progressivement. Aujourd’hui, les juniors sont ultra pros, avec des semaines d’entraînement énormes. Ce n’était pas mon cas, mais j’ai fait avec mon temps et ça m’a réussi.
"Le Tour 2026, ce serait trop tôt"
Pour ceux qui ne te connaissent pas : on pourrait penser que tu es grimpeur au vu de ton gabarit, mais ton profil, c’est sprinteur-puncheur, non ?
Oui exactement. Je fais 1m74, je suis assez léger, ce qui me permet de passer les bosses. J’ai beaucoup de punch, sûrement grâce au BMX que je faisais petit. Et je suis très à l’aise dans un peloton, je n’ai pas peur de frotter. Je me faufile bien, ce qui m’aide énormément dans les arrivées.
En rejoignant Unibet, tu vas découvrir des courses WorldTour. Quelles épreuves te font rêver pour 2026 ?
Rien de défini pour l’instant. Avec l’équipe, on s’est dit que la première saison serait centrée sur mon développement, notamment en sprint. Le programme évoluera en fonction de ma progression. Bien sûr, les courses WorldTour font rêver. C’est mon objectif d’y arriver. Est-ce que ce sera dès 2026 ? Je ne sais pas. Mais c’est clairement la direction.
Unibet a de grandes chances d’aller sur le Tour de France 2026. Participer au Tour, est-ce réaliste pour toi ?
Ce serait fou, évidemment. C’est le rêve de tout cycliste. Mais 2026, ce serait trop tôt. Il me faut encore de l’expérience et du développement. La moyenne d’âge du Tour tourne autour de 28 ans : ce n’est pas un hasard. Le niveau est incroyable, il faut arriver avec beaucoup de bagage physique. Donc peut-être un jour, mais pas encore.
"Mon père ? Il m’accompagne, mais il est dépassé par certaines choses"
Ton père, Stéphane Augé, ancien pro, huit Tours de France… Quel rôle joue-t-il dans ta carrière ?
Il m’accompagne, mais il est dépassé par certaines choses : nouvelles technologies, entraînements modernes, nutrition… En revanche, sur la gestion d’une saison, les coups de fatigue, la pression, la tactique, là il m’aide énormément. On fait beaucoup de derrière-scooter ensemble, ça crée de super moments. Ma mère a aussi beaucoup de recul sur la carrière de mon père, donc les deux m’accompagnent vraiment.
Être “le fils de Stéphane Augé”, ça crée de la pression ?
Franchement, non. Sa carrière est derrière lui, et elle a été superbe. Mais nous sommes deux coureurs totalement différents, deux profils très éloignés. Ma carrière sera la mienne.
Il nous a dit récemment que tu serais peut-être déjà meilleur que lui, ou que tu le deviendrais. Tu confirmes ?
(Rires) Je ne sais pas. Il a huit Tours de France, les 4 Jours de Dunkerque, plusieurs victoires pros, il a porté le maillot à pois sur le Tour… Quand j’en serai là, je pourrai répondre. Pour l’instant, je suis loin d’avoir cette prétention.
Qu’est-ce qu’une bonne saison 2026 pour toi ?
Que l’équipe fonctionne bien collectivement. À titre personnel, bien m’intégrer, marquer des points UCI — c’est le nerf de la guerre aujourd’hui — et surtout performer sur les Coupes de France, où j’ai vraiment envie de briller. Une victoire serait la cerise sur le gâteau. J’en suis passé plusieurs fois très près cette année. Une victoire rendrait la saison vraiment réussie.
Publié le par Titouan LABOURIE