Anthony Ravard : «On doit tout faire pour garder Maxime Vézie»
INTERVIEWBeaucoup de changements pour l'équipe CIC U Nantes Atlantique ! Avec un changement de nom pour 2026 (CIC Pro Cycling Academy), l'équipe nantaise révalue également ses ambitions à la hausse. En effet, avec le lancement à venir d'une structure féminine et la volonté d'intégrer le ProTour avec l'équipe masculine d'ici 2028, la structure bretonne veut changer de dimension et se donne le droit de rêver au Tour de France. Cependant, l'équipe créée en 2022 ne compte pas pour autant renier ce qui a fait sa force, la formation de talents tels que Jordan Jegat (TotalEnergies) et Louis Barré (Intermarché-Wanty). En attendant la présentation officielle de son équipe pour 2026 le 11 décembre prochain, le manager Anthony Ravard nous explique tout ou presque au micro de Cyclism'Actu
L'entretien vidéo avec Anthony Ravard
"On aimerait garder les coureurs comme Jordan Jegat"
On a pu lire que 2026, beaucoup de choses vont changer dans votre équipe, au CIC U Nantes-Atlantique.
Déjà, tout simplement en 2026 on va changer de nom. Mais surtout, on a avant tout déposé une marque. La société qui détient l'équipe professionnelle a déposé une marque à l'INPI qui s'appelle France Pro Cycling Academy. C'est tout simplement pour marquer notre positionnement en tant que seul centre de formation cycliste professionnel. Et donc, il était important pour nous de, justement, de marquer notre positionnement et de dire que nous sommes les seuls à avoir un centre de formation et de se positionner avec le nom France. L'idée derrière, c'est aussi de pouvoir prendre un vrai virage sur tout ce qui est le côté aussi de notre communication.
Rappelez-nous quand même, pour ceux qui auraient oublié, c'est quoi en gros cette Académie ? Combien de coureurs ? Combien de coureuses ? C'est quoi l'objectif ? L'ambition ? Je suppose, peut-être un jour participer au Tour de France Hommes ou au Tour de France Féminin.
L'idée, c'est qu'en 2028, on soit sur notre premier Paris-Roubaix et Paris-Nice et 2032 sur notre premier Tour de France. Parce que ça fait depuis maintenant 2022 que nous sommes une équipe continentale professionnelle, avec aussi notre centre de formation où on a vu passer Louis Barré. Il a rejoint nos rangs professionnels en 2022. Après, il est parti en World Tour chez Arkea. Aujourd'hui, c'est un des meilleurs coureurs français. Il a fini 6e au dernier Grand Prix de Montréal, 6e de l'Amstel Gold Race. Ce sont des épreuves de référence.
On a aussi un autre coureur qui a été issu des des rangs les plus jeunes chez nous avec Jordan Jégat, 10e du dernier Tour de France. On aimerait tout simplement garder des coureurs comme Louis Barré, Jordan Jégat et autres pour pouvoir faire des résultats avec eux, éviter de les voir partir trop vite. Ça ne veut pas dire qu'ils ne partiront pas un jour, mais ils peuvent partir peut-être deux ans plus tard et commencer à faire des vrais résultats chez nous avant d'aller concourir sur les plus grosses courses au monde.
"Ce qu'on aimerait, c'est que notre travail de formation soit reconnu"
Vous formez des Louis Barré et des Jordan Jégat et ils brillent ailleurs, c'est frustrant, non ?
Alors c'est frustrant, oui et non, parce que c'est notre leitmotiv et c'est notre ADN de former. Aujourd'hui, nous, pour l'instant, on n'a pas encore l'ambition de faire toutes les plus grosses courses au monde, donc à un moment donné, on sait que les athlètes arriveront au bout de quelque chose chez nous, ils devront partir ailleurs. Mais peut-être qu'on pourrait aussi négocier leur sortie parce qu'on signera des contrats plus longs, donc l'objectif, c'est si il y a une World Tour qui s'intéresse à ces cours-là, c'est de pouvoir acheter les contrats et au moins se faire rémunérer dans la formation.
C'est aussi ce que l'on souhaite mettre en place avec la Fédération française de cyclisme et la Ligue nationale de cyclisme, c'est les indemnités de formation dans les centres. Nous, ce qu'on aimerait, c'est au moins que notre travail soit reconnu et derrière, il peut partir, mais l'idée, c'est qu'on puisse derrière avoir les indemnités de formation sur les trois années passées chez nous.
Si je résume, la Pro Team dès 2026 ?
Le Pro Team, on se donne jusqu'à 2028. Ça nous donne un an et demi pour pouvoir donner envie à des partenaires d'intégrer notre projet, un projet en plus d'académie mixte, parce que pour information, on a cinq filles qui ont intégré le centre de formation au mois de septembre. L'idée, c'est de pouvoir, dès 2027, monter une équipe de niveau national féminine pour pouvoir les accompagner à égalité que les hommes. On sait former de jeunes hommes, il faut qu'on arrive à faire la même chose, et comme on arrive à le faire pour les hommes, on arrivera à le faire pour les filles.
"Une carrière, c'est très court"
Donc 2032, Tour de France Hommes, et Tour de France Femmes, ça serait pour quand ?
Eh bien, 2032, ça peut être Tour de France Femmes comme Tour de France Hommes. Pour l'instant, on vient juste de débuter au féminin, donc ce qu'il faut c'est de ne pas mettre la charrue devant les bœufs, c'est de se structurer étape par étape.
Anthony, si je ne m'abuse, tu arrêtes ta carrière professionnelle en 2013. Si on t'avais dit que 12 ans plus tard tu seras à la tête de tout ça, tu aurais dit quoi ?
En fait, j'y pensais pas forcément. C'est vrai que quand ma carrière s'est arrêtée, c'est à quoi faire de sa vie, tout simplement. D'ailleurs c'est ce que je dis aux jeunes femmes et hommes du centre de formation à chaque fois que je prends la parole, c'est qu'une carrière c'est très court, et après c'est quoi faire de sa vie. Les opportunités ont fait que, je suis resté dans le vélo, et j'ai d'abord fait deux années de bénévolat à l'UCNA (Union Cycliste Nantes Atlantique), et en fait j'ai créé mon poste de coordinateur du centre de formation, j'ai accompagné les juniors, je suis devenu responsable de l'équipe nationale. Ça s'est fait, d'année en année, le projet a grandi, l'académie a pris de l'ampleur, les partenaires ont encore de plus en plus cru au projet.
Jean-René Bernaudeau était mon premier manager sportif. Je trouvais qu'il incarnait très bien ce rôle et il m'a inspiré aussi dans ce rôle de manager, donc je suis content d'être à ce poste. Mais c'est vrai qu'il y a eu quand même eu un long chemin avant d'arriver à ce niveau là, mais je suis parti par la base avec les juniors, et depuis ça a bien grandi effectivement.
"Quand on a un gros budget, c'est plus facile..."
C'est quand même un peu culotté tout ça, parce que quand on voit la conjoncture économique, quand on voit que des équipes comme Arkea B&B Hôtels, qui finissent les meilleures équipes sur le Tour de France et qui n'arrivent pas à retrouver des sponsors pour poursuivre l'aventure, vous êtes un peu fou ?
Il faut avoir de l'ambition pour montrer les ambitions et les projets. Aujourd'hui on n'est pas sur des budgets comme Arkea BNB, on est loin de là, on parle pas de budget pour aller faire le Tour de France, on parle de budget pour être au départ de Paris-Roubaix, Paris-Nice. Pour avoir une équipe nationale au niveau féminin, et avoir le centre de formation hommes femmes, plus être en pro team, il nous faudrait il faudrait 3,6 millions en tout. Aujourd'hui on est à la moitié.
Vous avez arrêté votre carrière il y a douze ans, comment on le voit le cyclisme d'aujourd'hui, c'était mieux avant ?
Alors moi j'ai toujours des coureurs quand même qui rigolent à table donc je ressens pas ce que peuvent dire mes collègues managers ou des directeurs sportifs d'équipes World Tour qui disent que les coureurs rigolent moins à table, que tout est plus sérieux. On a des jeunes qui sont décomplexés, qui rigolent à table, qui ont envie de faire du vélo, qui ont envie de s'amuser, je pense qu'il faut garder ça. Je vois aujourd'hui les jeunes, malheureusement, ils arrêtent de plus en plus tôt et je pense qu'ils se prennent la tête trop vite.
Alors bien sûr il y a des enjeux sportifs derrière, c'est clair que quand on arrive en WorldTour, il y a des enjeux sportifs et il y a des attentes sur les coureurs, mais on peut être sérieux dans son métier tout en étant heureux et l'objectif c'est d'être heureux de faire son métier avant tout. C'est vrai que ça va pas toujours être rigolo quand on va courir en WorldTour et qu'il y a trois ou quatre équipes qui dominent et qu'on voit UAE qui mène un tempo d'enfer et puis qu'à 100 bornes de l'arrivée ça attaque et qu'après on n'a plus que les miettes. C'est sûr que des fois ça peut être vite démoralisant, mais après c'est à chacun de se fixer les bons objectifs pour garder la motivation et la flamme.
Justement, dès qu'on parle d'UAE, il y a des critiques qui sortent, qu'est ce que vous en pensez ? C'est une trop grosse machine, elle cannibalise tout, si bien qu'elle est détestée.
UAE impressionne quand même souvent, même quasiment tout le temps. Après il faut dire que c'est le plus gros budget aussi, donc quand on a plus gros budget c'est plus facile d'attirer les meilleurs. Je ne sais pas si je suis naïf, mais j'ai toujours fait mon sport le plus clean possible, donc moi je crois en mon sport, je crois au vélo, et d'ailleurs c'est ce que je dis à mes coureurs : Si vous ne croyez pas à votre sport, arrêtez tout de suite. On a des instances qui sont là pour ça, qui font le travail, bien sûr on peut toujours avoir peut-être des doutes, mais moi en tout cas j'ai envie d'y croire. Ils font des stages de préparation, ils ciblent leurs objectifs, on voit que Pogacar n'est pas toute l'année sur toutes les courses. Après le Tour de France on ne l'a pas vu pendant un bon mois.
Et le cyclisme français là-dedans dans tout ça ? Beaucoup s'inquiètent, on en parlait dernièrement avec Stéphane Heulot, on a tendance à oublier la base, les clubs qui souffrent, les organisateurs de petites courses qui ont du mal, est-ce que pour vous il va bien ?
On fait partie de la base, donc on voit que la base s'effrite, il y a de moins en moins de compétiteurs, de coureurs qui sont vraiment là pour la compétition. J'ai quand même peur, je suis un amoureux de mon sport et j'aimerais apporter des solutions aux instances. Il ne faut pas qu'ils hésitent à nous solliciter. J'ai des idées, je pense qu'il faut pas qu'on soit que sur la compétition, il faut qu'on soit un peu comme les sports, tels que le trail ou les triathlon, c'est des sports de masse. Est-ce qu'il ne faudrait pas devenir un sport de masse où le monde attire le monde ?
Vous nous avez fait découvrir et vous avez lancé Jordan Jegat et Louis Barré, c'est qui le prochain ?
Je pense qu'un Maxime Vézie, c'est un très très très bon jeune, qui à mon avis pourra surprendre beaucoup de monde dès l'année prochaine, donc il faudra le garder le plus longtemps possible.
Publié le par Paul-Antoine STEVENIN