Chronique - Guimard : «Romain Bardet a raison... mais c'est trop tard !»

C'est la rentrée, alors forcément une nouvelle chronique de Cyrille Guimard sur Cyclism'Actu, la première de cette saison 2024 ! Au menu du jour : Tadej Pogacar (UAE Team Emirates), Mathieu van der Poel (Alpecin-Deceuninck), Julian Alaphilippe, Remco Evenepoel (Soudal Quick-Step), l'affaire Cian Uijtdebroeks (Team Visma | Lease a Bike), les datas... Cyrille Guimard  - ancien directeur sportif et ancien sélectionneur de l'équipe de France, désormais consultant sur RMC Sport et La Chaine L'Equipe - n'a éludé aucun sujet pour sa chronique sur Cyclism'Actu. Comme toujours, on aime ou on n'aime pas... mais ça se regarde et ça se lit ! Bref, quasiment 50 minutes de discussion et entretien - à consommer sans modération - avec le "druide" qui est en pleine forme. Lui, qui fêtera ses 77 ans, le 20 janvier prochain.

Vidéo - Guimard le "Druide" en grande forme au micro de Cyclism'Actu

 

La saison de cyclo-cross

Ce que fait Mathieu van der Poel, c'est absolument extraordinaire. Il est au-dessus physiquement et techniquement, il est au sommet. On ne peut pas être au-dessus, à moins de voler au-dessus de la prairie. C'est beau à regarder. De son côté, Wout van Aert n'est pas à son top niveau, mais même avec un Van Aert au sommet de son art, Mathieu est tout de même supérieur. Et je pense que Van Aert n'est pas loin de son meilleur niveau. Son discours est qu'il prépare le Tour des Flandres, mais ça existe pour les gens qui y croient. Il est un petit cran en-dessous, et ça arrive après une saison sur route qui n'a pas été exceptionnelle pour Van Aert. Est-ce qu'il ne marque tout simplement pas le pas sur le plan physique ? Ça n'est pas impossible.

 

"Tadej Pogacar peut gagner le Tour d'Italie et le Tour de France en 2024"

C'est le meilleur coureur du monde et c'est le seul dont on peut dire, à minimum 70%, qu'il est capable de réaliser le doublé. Il a 25 ans, c'est-à-dire qu'il est dans la période où on est le plus mature et au sommet de son art. Il va également changer un petit peu de programme, c'est quelque chose qui peut être motivant. Et puis il faut arrêter de dire que personne ne l'a fait depuis 1998 (Marco Pantani). Est-on certain qu'il y en ait beaucoup qui l'ont préparé ?

 

Remco Evenepoel en lice pour la victoire finale sur le Tour dès cette année ?

Est-ce qu'il y croit lui ? Il a répondu à cette question en disant qu'il espérait finir dans le top 5. Serait-il devenu le Gaudu belge (sourire) ? Je suis désolé mais Remco Evenepoel n'a pas le droit de parler comme ça. Il a été bien formaté ou alors il a compris un certain nombre de choses. Aujourd'hui, et ça remet en cause ce que je disais il y a deux, trois ou quatre ans, il ne se donne pas vraiment les moyens de gagner un Grand Tour. Je le trouve un peu épais. Tel que je l'ai vu sur le Tour d'Espagne l'an dernier, il ne peut pas jouer avec Pogacar et Vingegaard.

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— Cyclism'Actu (@cyclismactu) January 4, 2024

 

Mathieu van der Poel champion olympique sur route et de VTT, plausible ?

Le pari est osé, c'est un beau challenge. Je suis moins affirmatif sur ce doublé que sur celui de Pogacar sur le Giro et le Tour. C'est plus compliqué. Pour le VTT, le petit souci de Van der Poel, c'est son poids. Il a beau avoir deux turbos, il est un peu lourd pour qu'on puisse dire qu'il va survoler l'épreuve. Il a beaucoup chuté ces derniers temps en VTT mais il sait pourquoi : il n'est pas dedans, il n'est pas concentré.

 

"Je ne suis pas certain que Julian Alaphilippe revienne à son niveau d'il y a trois ans"

Ce n'est pas parce qu'on fait le chanteur de rock lors d'une présentation de maillot que ça démontre que vous avez, au plus profond de vous-même, retrouvé l'envie, la motivation et l'entourage qui va vous permettre de... On jugera sur pièces, mais je ne suis pas certain que Julian revienne à son niveau d'il y a trois ans. Quand on voit comment il a couru sur le Tour l'an dernier, il a accepté d'être devenu un coureur de seconde zone, et ce n'est pas péjoratif car les grands, ils ne sont qu'une quinzaine. Il est descendu dans le deuxième rideau et ses résultats sont aussi là pour le prouver.

La saison 2024 s'annonce �'‍♂�'�pic.twitter.com/labaaisumM

— Cyclism'Actu (@cyclismactu) December 15, 2023

 

Un Français vainqueur d'un Monument ou sur le podium d'un Grand Tour ?

À partir du moment où Julian Alaphilippe n'est pas au niveau, on a notre réponse. Si tu y arrives, eurêka ! Quel Français peut gagner un Monument aujourd'hui en dehors d'un Julian revenu à son meilleur niveau ? Christophe Laporte est incontestablement celui qui a pris le relais, mais il est dans une équipe où il n'est pas seul au départ. Après, ça reste notre valeur sûre. Je suis assez pessimiste, mais je serais vraiment très content si ça arrivait. Un Français sur le podium d'un Grand Tour ? L'espoir fait vivre. Ou on se raconte des histoires et on rêve ou on regarde la réalité du terrain.

 

L'affaire Cian Uijtdebroeks, "un tsunami dans un dé à coudre"

Il ne s'est rien passé, ça a été un tsunami dans un dé à coudre. Ce genre de choses arrive toujours un jour ou l'autre, c'est l'histoire de la vie. À partir du moment où il y a des incompatibilités, des rivalités... Ce n'est pas quelque chose de récurrent, ça s'est toujours fait à des moments ponctuels. Après, Stéphane Heulot a raison de tirer le signal d'alarme ("Le cas de Cian Uijtdebroeks est désolant et très mauvais pour le vélo. À partir du moment où on ne respecte pas le contrat, on glisse sur une pente dangereuse", a expliqué le manager général de Lotto Dstny auprès de la RTBF), il ne faudrait pas que ça devienne la coutume.

 

L'omniprésence des datas et les déclarations de Romain Bardet

Ce qu'a dit Romain Bardet ("la science a pris le dessus, on est de plus en plus des exécutants", explique le coureur du Team dsm-firmenich PostNL sur Eurosport), il aurait fallu qu'il le dise il y a 10 ans. Aujourd'hui, c'est trop tard. Mais il faut bien comprendre que ce ne sont pas les outils utilisés aujourd'hui qui sont en cause, mais la façon dont on les exploite et comment on rend dépendant le coureur. C'est la grande victoire des entraîneurs, qui ont réussi à se rendre totalement indispensables. Il a raison Romain Bardet, mais c'est trop tard. Le coureur, il est dirigé par l'outil.

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