TDF - Tejay Van Garderen : La menace fantôme ?

 

Quand on écoute un peu les infos, qu’on regarde les journaux, on a l’impression qu’au moins une place sur le podium se jouera entre les trois Français, Romain Bardet, Thibaut Pinot et Jean-Christophe Péraud. Il est vrai qu’en regardant les montées de Chamrousse et de Risoul, ce sont ceux qu’on a le plus vu avec Alejandro Valverde. Pinot et Valverde, ensemble à la poursuite de Nibali dans Chamrousse et un Bardet qui attaque quatre ou cinq fois dans le groupe derrière, « JCP » qui parvient à suivre Nibali dans la montée de Risoul, et c’est le seul depuis Contador à Gerardmer… Oui mais il y en a un qui monte en puissance, qui est discret, on ne le voit quasiment pas, et pourtant… Il sera peut-être l’homme à surveiller dans cette troisième semaine. Tejay Van Garderen pourrait en effet créer la surprise, ou plutôt la demie surprise, en venant chercher le podium au bénéfice de sa forme grandissante et de ses excellentes prédispositions contre-la-montre. Et si Valverde se maintient, il n’y aurait alors plus de place pour les Français.

 

 

Pourquoi croire en Tejay ?

Depuis sa cinquième place et son maillot blanc sur le Tour 2012, on a un peu de mal à croire en l’Américain. Même chez ses compatriotes, au départ de ce cent-unième Tour de France, il y a deux semaines à Leeds, on était moyennement confiant. Il faut dire que 2013 ne lui a franchement pas souri. On garde encore en tête son escapade sur l’étape de L’Alpe d’Huez, en compagnie de Christophe Riblon, qui l’avait déposé pour aller cueillir sa victoire, tandis que Tejay, déjà dans les profondeurs du classement général, ne pouvait que regarder, impuissant, la victoire du Français. On était alors bien loin du Van Garderen de 2012.

« Pour moi, c’était le Tour le plus dur que j’ai fais. Les trois semaines m’ont paru sept semaines. En 2012, j’avais eu des résultats inattendus. En 2013, j’avais la pression. Cette année, c’est un peu entre les deux. J’ai la pression, mais je suis plus fort mentalement, notamment parce que je suis en bonne position ».

Changement de management dans l’équipe BMC à l’intersaison et surtout changement de plans, avec un Cadel Evans consacré au Tour d’Italie et un Van Garderen dévolu au Tour de France. Le début de saison commence pas mal, avec une deuxième place au Tour d’Oman, mais le premier jour de Paris – Nice, une étape sans difficulté, il abandonne… malade ! Un peu plus tard, il remporte une étape du Tour de Catalogne, en prend la troisième place, puis finit sixième du Tour du Pays Basque. Le retour ? On pouvait le croire, et puis… Il chute sur le prologue d’un Tour de Romandie, où il est non partant au départ de la grande étape de montagne. Accident de parcours. Alors on attend le Critérium du Dauphiné, mais… catastrophe ! Dès la deuxième étape, l’arrivée au sommet du Col du Béal, il est à la rue. C’est un peu mieux au sommet de Finhaut – Emosson, mais rien de transcendant. Dans la mythique étape de Courchevel néanmoins, il prend la sixième place, en prenant la fameuse échappée qui permettra à Andrew Talansky de battre Contador, Froome et Nibali. Un premier signe rassurant.

Depuis, il réalise presque un sans faute, même s’il a perdu plus de deux minutes sur les pavés, comme beaucoup de leaders. Plus encore, il semble progresser. Et c’est ce que nous annonce son directeur sportif, Yvon Ledanois. Il est en effet parvenu à suivre Bardet et Pinot dans la montée de Risoul, à seulement une trentaine de seconde de Nibali.

 

Quelle stratégie ?

Clairement son point fort est le contre-la-montre. En 2012, quand il prenait la cinquième place finale, il faisait quatrième du prologue de Liège, quatrième du chrono’ de Besançon (à seulement 9’’ d’un certain Fabian Cancellara) et septième de celui de Chartres. Trois exercices qui convenaient bien aux spécialistes de la discipline. Cette même année, il prend la quatrième place du Championnat du Monde du contre-la-montre, à Valkenburg. En 2013, il gagne le Tour de Californie en en remportant le chrono’. Clairement, quand il est en forme, c’est l’un des meilleurs de la discipline. Or son plateau de concurrents sur ce Tour se compose essentiellement de grimpeurs. A l’exception de Jean-Christophe Péraud.

« Oui mais je ne peux pas me satisfaire de ma position actuelle. Un contre-la-montre après trois semaines de course, ce n’est pas un contre-la-montre comme les autres. On peut avoir de mauvaises jambes ce jour là. Mon objectif principal, c’est la constance. Certains de mes adversaires sont capables d’une grande explosivité en montagne. Ce n’est pas vraiment mon style.  Bien sûr, si je vois l’un d’entre eux dans un mauvais jour, je vais tenter d’accélérer le rythme, mais ma ligne directrice est de rester régulier. »

Rester régulier… Pas très étonnant pour un rouleur. On le sent forcément un peu réservé. L’expérience du Tour 2013 ne doit pas y être étrangère.

« Bardet et Pinot sont très jeunes. Pour être honnête, je ne sais pas trop ce dont ils sont capables en chrono’. Je pense que ce ne sont pas des spécialistes mais qu’ils peuvent s’en sortir. Alejandro Valverde et Jean-Christophe Péraud sont de très bons coureurs contre-la-montre. Mais les trois étapes qui arrivent, je les ai repérées et elles sont très difficiles. La première avec ses 240 kilomètres, et la descente très technique du Port de Balès. Et puis les deux autres étapes sont aussi très dures. Je pense qu’on n’est qu’au milieu du Tour de France en fait. »

 

Objectif podium

Clairement, la plupart des favoris ont abandonné l’idée d’attaquer Nibali, se contentant de rester vigilants et opportunistes en cas de jour sans du Sicilien. Mais alors que vises Tejay ? Le podium pour sûr. Mais la deuxième place ou la troisième ?

« De toute façon quand Nibali attaque, personne n’a les jambes pour suivre. Alors quand on se retrouve en chasse, certains vont se ranger et laisser travailler les autres, d’autres préfèrent attaquer et mener leur vie… Dans tous les cas on doit s’attaquer les uns les autres car nous ne sommes qu’en deux minutes. Nous sommes cinq en moins de deux minutes. La course s’annonce donc excitante. »

On a vu pour l’instant la montagne… On parle donc beaucoup des grimpeurs comme Pinot, Bardet et Valverde. Mais avec un chrono’ de 54 kilomètres, ce sont peut-être bien les rouleurs, capables d’être réguliers en montagne, sans coups d’éclat, comme Van Garderen et Jean-Christophe Péraud, qui auront les clés du podium.