Paris-Nice - Thomas : «J'y suis juste allé... à l'instinct»
Par Antoine PLOUVIN le 12/03/2014 à 19:45
Vidéo - Geraint Thomas, maillot jaune de Paris Nice 2014
A chaque année, le Team Sky sort un nouveau leader de sa boîte magique. A croire que c’est l’école de l’excellence des champions. Pour palier au « forfait de dernière minute » de Richie Porte, officiellement contraint de palier à l’absence imprévue de Christopher Froome sur Tirreno – Adriatico pour des problèmes de dos, l’équipe Britannique, ici dirigée par Nicolas Portal, a propulsé Geraint Thomas au rang de leader. Une rigolade pour certains, un joker dangereux pour d’autres, on ne savait pas vraiment à quoi s’attendre de la part de l’ancien double Champion Olympique et triple Champion du Monde de poursuite par équipe. Maintenant on sait ! Thomas n’a rien d’un cache misère et parmi les favoris initialement attendus, il est le seul à avoir tenté quelque chose sur le premier test de ce Paris – Nice 2014. Au final, il prend l’ascendant psychologique, déjà le maillot jaune, et adresse un sérieux avertissement à tous ses adversaires.
« Je n’avais pas prévu d’attaquer. Le plan était juste de rester aux avant postes dans cette dernière ascension et de réagir en fonction de la course et des jambes que j’avais. Il ne fallait pas se mettre dans le rouge dans le passage à 25%, mais plutôt viser de faire la différence au train. Puis ça s’est fait naturellement dans une partie moins pentue, comme en junior. Je n’ai rien prémédité, rien pensé, j’y suis juste allé… A l’instinct ! Je me suis retrouvé devant, presque au rythme et je me suis demandé ce que je faisais là. Je me suis dit que ça allait être très compliqué de rester à l’avant. Mais derrière heureusement, la poursuite ne s’est pas organisée, il ne devait pas y avoir plus de deux ou trois coureurs par équipe, ils se sont regardés pour savoir qui devait rouler. Quant à nous, c’était plein pot ! »
Reste qu’il s’est en effet retrouvé avec un élément gênant et sans doute même inattendu… Tom Jelte Slagter : « Je savais que Slagter était rapide, je l’ai déjà vu sur le Tour Down Under quand il a gagné l’an passé. Il a roulé avec moi. Nous voulions tous les deux gagner. Je savais que pour moi, je devais être dans sa roue, mais je voyais le groupe revenir derrière, alors j’ai continué à rouler. Il s’est mis derrière moi et il a commencé le bluff, et je ne suis pas rentré dans ce jeu. Je savais qu’il allait gicler et il l’a fait. Quand il est parti, je n’ai pas pu le rattraper. J’ai préféré tout donner avant l’arrivée, car je ne voulais pas avoir de regrets. Le maillot jaune reste une belle consolation ». A Slagter l’étape, à Thomas le général, mais pour le Britannique, Slagter pourrait bien devenir une menace pour la lutte au maillot jaune. « Il est rapide, il n’est pas si loin, il y a des bonifications. C’est sûr qu’il est en excellente position aussi. » Il est en effet à seulement 4’’ du Britannique.
"Fayence (...), l'étape la plus dangereuse"
On sent d’ailleurs que le Britannique reste très prudent quant à ses prétentions : « Vous savez, c’est une course très difficile. Maintenant nous allons voir jour après jour. C’est déjà très beau d’avoir le maillot jaune, et d’être devant de grands coureurs comme Nibali. Gagner, être sur le podium ou même faire un top 5 serait fabuleux. Demain Degenkolb va probablement récupérer le maillot par le jeu des bonifications alors je vais déjà profiter de cette journée en jaune. Après, bien sûr, je ferai tout pour aller chercher la gagne. Le prochain rendez-vous sera sans doute Fayence vendredi. C’est la seule arrivée qui monte, il risque d’y avoir des écarts. Les grands coureurs comme Rui Costa, Nibali vont très certainement attaquer là. C’est probablement l’étape la plus dangereuse même si les deux dernières samedi et dimanche s’annoncent aussi très difficiles. »
C’est quand même une situation particulière pour cet ancien pistard, qui était un équipier modèle jusqu’ici, notamment pour lancer les sprints et qui se retrouve, du jour au lendemain, vendredi dernier exactement, propulsé leader de l’une des plus grosses formations sur une épreuve de grande envergure. « C’est un énorme privilège d’être leader du Team Sky et une chance énorme. Car c’est une énorme machine, entraînée, rôdée pour les courses par étape et pour la lutte pour le général. En tant que leader, nous sommes énormément protégés, de sorte que je n’ai vraiment qu’à me concentrer sur l’essentiel. Ca enlève de la pression et quand on arrive sur une difficulté et qu’on est aussi bien entouré, emmené, ça évite d’être dans la nervosité. »
"Avant j'étais gros !"
Mais comment la bande à Brailsford fait-elle pour nous en sortir un nouveau chaque année ?... Pour son cas personnel Thomas nous donne une explication argumentée : « Avant j’étais gros ! Quand je faisais de la piste, que j’étais chez Barloworld, je n’étais pas à 100% dans mon sport. Je suis Gallois alors j’aime bien m’amuser, boire une bière… Je me souviens qu’aux JO de Pékin, en 2008, je pesais 75 kilos. Aujourd’hui j’oscille entre 69 et 70 kilos. Cela me permet d’être plus puissant, de développer plus de watts. Avant aussi, je faisais de la route pour préparer la piste. Maintenant c’est l’inverse… »
Il annonçait récemment qu’il voulait se consacrer aux classements généraux des courses par étape et ce Paris – Nice est une aubaine pour débuter car il n’y a ni contre-la-montre, ni arrivée en altitude. « J’ai fait un peu le tour des classiques, où le sort est très aléatoire, et c’est vrai que j’aimerais commencer à avoir des ambitions sur les courses à étape, qui sont plus faciles à contrôler. Mais il faut que je travaille mon contre-la-montre, car je n’ai pas encore bien l’habitude du vélo de chrono’ et la montagne… » Ça promet !