Journal de Bord - Th. Boudat : «Du mal à tourner la page»

 

Vidéo - Piste - Mondiaux - Boudat : "Je ne me cherche pas d'excuses"

Alors qu’il vient de remporter sa première victoire chez les professionnels à l’occasion de la Classica Corsica, Thomas Boudat s’est confié à Cyclism’Actu à l’occasion de son 12e Journal de Bord. Le Français est revenu pour nous sur sa performance décevante lors des championnats du monde sur piste de Saint-Quentin-en-Yvelines, où il n’est pas parvenu à conserver son titre sur l’épreuve de l’omnium ; sur ses nouveaux objectifs sur la route ainsi que ses rêves de victoires. Il regarde aussi déjà vers 2016 et la perspective des JO malgré un avenir encore flou puisque son équipe, Europcar, s’arrête en fin de saison. Voici donc le troisième Journal de Bord de "La Boud" en 2015.

 

⇒ Les championnats du monde de cyclisme sur piste

Cela a été tout un petit tas de choses qui ont fait que j'ai terminé 8e de l’omnium. Je n’étais pas à 100% de ma condition, je me cherchais un petit peu à ce moment-là. Je n’avais pas la confiance que j’avais l’an dernier lorsque je remporte le titre à Cali, et, surtout, j’étais très attendu. C’était la première fois que je connaissais une telle pression d’autant plus que je ne disputais que l’omnium lors de ces championnats, je n’avais donc pas le droit à l’erreur, surtout en tant que champion sortant.

Sur la dernière manche, la course aux points, j’aurais pu courir pour conserver ma 4e place ou même viser la médaille de bronze mais devant mon public je voulais gagner l’or et rien d’autre. J’ai pris les risques qu’il fallait en conséquence mais ça n’a pas payé.

Entre 2014, où je suis champion du monde, et 2015, la principale différence c’était ma préparation. J’ai couru après le temps et la forme durant tout l’hiver et la chute que j’ai subie à trois semaines des mondiaux n’a fait qu’empirer la situation. De plus, j’ai connu beaucoup de bouleversements dans ma vie l’an dernier et je pense avoir besoin de retrouver une certaine stabilité.

 

"Avec le recul, je me dis que je n’aurais pas pu battre Fernando Gaviria"

 

Avec le recul, je me dis que je n’aurais pas pu battre Fernando Gaviria, il était trop fort, il était hors-catégorie. C’était comme si nous étions des juniors à côté de lui ! En revanche, je pense que j’aurais pu aller chercher une médaille de bronze mais, encore une fois, avec le public derrière moi je ne pensais qu’à la première place.

Le changement de règlement ne m’a pas avantagé pour le coup mais je dois faire avec et m’habituer à courir en fonction. Cela sera le même règlement à l’avenir donc je dois m’adapter.

 

"Ces mondiaux ont été catastrophiques pour moi, j’en suis sorti effondré !"

 

Ces mondiaux ont été catastrophiques pour moi, j’en suis sorti effondré ! J’avais fait beaucoup de sacrifices et donné beaucoup de ma personne pour arriver prêt le jour J. Cela a donc été très difficile pour moi d’encaisser tout ça, surtout que j’ai assisté à la victoire de Bryan Coquard et Morgan Kneisky sur la Madison et que j’avais longtemps espéré faire partie de l’équipe. Ce fut le coup de grâce ! J’étais content pour les autres mais, à titre personnel, c’était un réel échec.

Pour l’équipe de France en revanche c’est un bilan exceptionnel, que ce soit en sprint ou en endurance, même si je dois avouer que cette année les sprinteurs nous ont surclassés. L’équipe en général commence à reprendre forme. Le DTN, Vincent Jacquet, s’est rendu compte des besoins dont les pistards ont besoin pour être au meilleur niveau et il a tout fait pour que les athlètes performent. Il faut que l’on continue à aller tous dans le même sens.

L’ambiance au vélodrome de Saint-Quentin-en-Yvelines était fantastique ! J’ai vécu une élimination de folie ! J’adore faire le show et être en communion avec le public et je dois bien avouer que ma déception de terminer deuxième derrière Elia Viviani sur cette épreuve a été largement masquée pas les acclamations du public. C’était un moment très fort, c’était la première fois que je voyais un vélodrome vivre comme ça ! Je tiens donc à remercier l’ensemble des personnes présentes durant cette semaine de compétition. Je pense également que cette ambiance était en grande partie due à Daniel Mangeas qui savait mettre le feu quand il fallait. On a eu de la chance qu’il soit là !

 

⇒ La saison sur route

Entre la piste et la route, la transition est difficile. Je découvre le monde pro petit à petit. Comme je l’ai dit, la déception des mondiaux a été tellement forte que c’est difficile de se remobiliser pour la route. Je commence néanmoins à retrouver quelques sensations. J’ai repris en Belgique et je n’avais pas envie de frotter comme j’aurais dû le faire, je n’avais pas envie de retomber et de risquer encore une immobilisation.

 

"Ce succès me redonne donc le sourire et la confiance"

 

Ma victoire à la Classica Corsica est un très gros soulagement, j'avais pas mal de doutes et je me posais beaucoup de questions ces derniers temps. Ce succès me redonne donc le sourire et la confiance. Cela efface un peu la déception des mondiaux mais j'ai toujours du mal à tourner la page. J'avais préparé ce rendez-vous du mieux que j'avais pu et ce fut vraiment un très gros échec de devoir laisser mon maillot à un autre, qui plus est en France !

Concernant mes objectifs pour la saison sur route, sur un plan personnel, j’aimerais participer aux jeux européens à Baku en juin. Je garde également dans un coin de ma tête les championnats du monde sur route espoirs où j’ai envie de prendre ma revanche par rapport à l’an dernier. 

Il y a plusieurs courses dont je rêve. Il y a tellement de belles épreuves sur la route que c'est difficile d'en détacher une en particulier, mais des courses comme Milan-San Remo, ou le Tour des Flandres voire même une étape du Tour de France sont des courses que j’aimerais gagner !

 

"Je suis un gagneur et je me nourris de triomphes avant tout"

 

Je ne veux pas me précipiter, je veux prendre du plaisir sur le vélo comme je le faisais avant et lever les bras autant de fois qu'il est possible. Je suis néo-pro mais ce n’est pas pour autant que je me suffirai de cette récente victoire, je suis un gagneur et je me nourris de triomphes avant tout, bien que je sois conscient que je ne lèverai pas les bras tous les week-ends.

Dans un premier temps je dois prendre confiance et disputer d'abord quelques courses. Je viens d'arriver chez les pros, je ne peux pas être le meilleur mondial dès mes premiers tours de roues. La différence entre les amateurs et les pros est énorme. Il ne faut pas vouloir mettre la charrue avant les bœufs. À vouloir toujours aller plus vite on en oublie parfois les bases et on finit par perdre les pédales ! En omnium seul Elia Viviani a réussi à percer au niveau mondial et il est plus âgé que moi, il a déjà disputé le Tour de France et tout cela. On ne peut pas comparer. 

Entre la piste et la route, il n’y a pas de points communs mais il y a une certaine complémentarité. La piste m'apporte le sang-froid nécessaire sur la route lors des sprints ainsi que de la clairvoyance sur certains choix à prendre. En plus de cela, j'ai disputé des courses au plus haut niveau sur piste, cette expérience est très enrichissante pour la route. Je n'arrive pas chez les pros en étant dépaysé.

 

⇒ L'horizon 2016

Je ne pense pas à la situation d'Europcar pour le moment. Je fais confiance à Jean-René Bernaudeau. Mon rôle c'est de gagner des courses et de porter au plus haut les couleurs d'Europcar. Pour ce qui est de la suite de l’équipe on verra en temps voulu ce qu'il en est.

 

"Je ne mettrai jamais un terme à ma carrière sur piste"

 

En ce qui concerne mon futur, je ne mettrai jamais un terme à ma carrière sur piste, je pourrai ralentir la pratique s’il le faut mais je ne la délaisserai jamais complétement. La piste m'est bien trop utile pour que je pense la mettre de côté. Mon avenir se situe forcément plus sur la route car c'est la discipline qui me prend le plus de temps mais, je le répète, la piste est essentielle dans mon équilibre. En revanche, je ne pense pas continuer l'omnium pendant 200 ans car c'est une épreuve vraiment très exigeante et sur laquelle on ne peut avoir aucune faille. Mais j'apprécie la piste et notamment les épreuves de fond. Je rêve de gagner un titre mondial sur la course aux points ou sur l’américaine !

Je pense que ça ne fait pas de mal de faire des manches de coupe du monde et un championnat du monde durant l'hiver, bien au contraire. Tant que j'aurai la motivation d'enchaîner les saisons sur route et sur piste je continuerai à le faire. On a vu d'ailleurs que Bryan Coquard ou qu’Elia Viviani se sont illustrés au plus haut niveau sur la route alors qu'ils ont fait de la piste cet hiver !

 

"Pour 2016, mon objectif principal reste les Jeux Olympiques !"

 

Pour 2016, mon objectif principal reste les Jeux Olympiques ! Je ne pense pas pouvoir être dans l'équipe qui participera au Tour de France l’an prochain. Dans tous les cas, les deux ne sont pas conciliables car les deux événements sont bien trop rapprochés l'un de l’autre. C'est sûr que le Tour de France me fait rêver mais les Jeux ne sont que tous les 4 ans.

Propos recueillis par Valentin NUNES.

 

Les précédents Journaux de Bord de Thomas Boudat : #1, #2, #3, #4, #5, #6, #7, #8, #9, #10, #11.