ITW - Patrick Valcke : «L'erreur humaine de Bouhanni»

 

Vidéo - Milan-San Remo 2016 - Arnaud Démare gagne la Primavera

Patrick Valcke, ancien directeur sportif du plus français des Irlandais et chroniqueur sur Cyclism'Actu, Stephen Roche à l'époque au sein de l'équipe Le Groupement, mais aussi de l'Italien Claudio Chiapucci, ancien meilleur grimpeur du Tour de France, est toujours bien au fait de l'actualité du cyclisme. Joint par Cyclism'Actu au téléphone, il revient sur les événement du week-end avec notamment la victoire d'Arnaud Démare (FDJ) sur Milan-San Remo, la polémique autour du Français, et donne son avis sur le problème mécanique de Nacer Bouhanni (Cofidis, Solutions Crédits) dans les derniers mètres. Il parle également du vélo à moteur.

 

Patrick, qu'avez-vous pensé de la victoire d'Arnaud Démare ?

J'ai suivi ça avec beaucoup d’attention, la victoire est belle car j’ai vraiment l’impression que c’était le plus fort. Il tombe avant la Cipressa, ce qui a créé une petite polémique mais il faut stopper ça tout de suite. Les Italiens sont mal placés pour en parler quand on repense au Giro 84 de Laurent Fignon, notamment, avec l’histoire des hélicos lors du chrono et la modification d’une étape pour que ce soit plus facile dans le but faire gagner un Italien, Francesco Moser en l'occurence, ou encore l'exclusion de Vincenzo Nibali l’année dernière sur La Vuelta quand il s'est accroche à sa voiture. Alors attention, il y a des règles que tout le monde connait. En cas de chute, les commissaires n’appliquent pas le barrage, c'est-à-dire qu'ils ne stoppent pas les véhicules.

Est-ce qu’il y a eu bidon collé ? Mais tout le monde le fait, ça ! Le jour où on décide de ne plus accrocher le bidon, on ne le fera plus, mais c’est pour l’instant toléré. Surtout que je n’ose pas imaginer une absence de commissaire dans la Cipressa, avant-dernière ascension de Milan-San Remo. Démare était dans un jour qu’il ne connaitra peut-être plus. En attendant ce que je constate c’est que c’est un sprinteur capable de gagner sans coéquipier dans le dernier kilomètre. C’est fort ! Quand il enclenche la mécanique, il est irrésistible. C’est le bis-repetita de sa victoire d'étape sur Paris-Nice.

 

Comment expliquer sa mauvaise saison de l'an passé ?

Le sprinteur dans le vélo, c’est le buteur dans le football. Il y a des périodes de doutes, il faut faire en sorte qu’elles soient les plus courtes possibles. Quand on est un buteur, on peut enquiller les buts comme des perles quand on est en confiance. Je ne crois pas au mauvais placement ou autre, on sait tous que c’est un grand sprinteur. On ne peut pas gagner en course en faisant des erreurs, il était simplement en manque de confiance. C'est une machine infernale, vous commencez à faire des erreurs à l’entraînement, vous en faites plus, voire trop, vous vous découvrez au mauvais moment. Sur ce Milan-San Remo, il était super fort. S’il a d’autres jours comme ça, il va se forger un sacré palmarès.

 

Les Français attendaient cette victoire sur Milan-San Remo depuis un long moment...

21 ans après Laurent Jalabert, ça date effectivement. On n‘avait pas cette génération de purs sprinteurs comme on a maintenant. Qui nous dit que si Bouhanni n’a pas son problème dans les derniers mètres on n’a pas un doublé français ? On serait alors remonté à 1982 avec la victoire de Marc Gomez devant Alain Bondue qui tombe au sommet du Poggio ! Les deux avaient fait près de 200 kilomètres devant.

C'est une vraie génération de sprinteurs, on a aussi un chanagement de mentalité dans les équipes. Cofidis en est le parfait exemple, avoir comme leader un sprinteur c’est rare. Avant, on essayait plutôt d’avoir un leader pour le général. Chez Cofidis, au lieu d’avoir 3-4 coureurs qui ne sont pas vraiment des leaders comme Taaramäe ou Coppel, ils ont décidé de mettre le paquet pour Bouhanni. La FDJ est dans un cas différent car il y a Pinot qui peut jouer le général. Les Français étaient, et je ne suis pas chauvin, pris à un moment dans un cyclisme à deux vitesses avec des Français exemplaires sur l’anti-dopage. Ils n'allaient pas la même direction que certaines équipes. Pour gagner c'était compliqué, dans ce cas-là on luttait avec les armes du moment. Maintenant, les choses ont bien changé. Les Français sont au niveau des autres. On a aussi des creux générationel, comme en Belgique en ce moment pour les courses par étapes. En France, on a désormais des gens de qualité, qui peuvent lutter avec n’importe qui. Peut-être que la victoire de Démare est le début d’une grande histoire. Même si Froome en a encore pour un petit moment sur les courses par étapes.

 

En tant qu'ancien mécanicien et Directeur sportif, que pensez-vous de l'attitude de Bouhanni après l'arrivée de Milan-San Remo quand il fracasse son vélo ? Votre ancien coureur, Stephen Roche, explique qu'il donne une mauvaise image et qu'il doit changer.

Ce n’est pas bien. J’aime le coureur, son tempérament. Mais aujourd’hui le sportif de haut niveau doit rester un exemple. Ils ne se rendent pas compte car ils sont jeunes, ils ne se rendent pas compte de l’image qu’ils renvoient. Un jeune coureur qui à 14 ans rencontre un problème mécanique va se dire que je peux claquer le vélo par terre car Bouhanni l’a fait. Qu’il fasse la gueule aux journalistes ou au fond du bus passe encore mais il doit rester professionnel et ne pas se donner en spectacle.

Est-ce qu’on a la certitude que Bouhanni a rencontré un problème mécanique ? Je sais encore comment ça fonctionne. Qui nous dit que dans un moment d’extrême tension ce n’est pas Bouhanni qui appuie sur le mauvais bouton ? Aujourd’hui le matos est incontrôlable car il l’a détruit. J’aurais préféré que le mécano puisse vérifier avec le coureur. Le matériel cassé est invérifiable. Aujourd’hui je me pose la question. J’ai regardé les images, c’est du 50-50. Personne n’ose le dire mais il ne faut pas se dégonfler. Je pose la vraie question. Certains causent de Démare et d'un possible bidon collé, même si ça ne fait pas gagner Milan-San Remo, mais Bouhanni c’est possiblement une erreur humaine. Je sais comment les vélos sont montés chez Cofidis, tout fonctionne parfaitement bien. Y a-t-il eu erreur du coureur ? On ne connaitra jamais la vérité. Quoiqu'il en soit, on pouvait avoir un doublé français.

 

Pensez-vous que le vélo à moteur est actuellement répandu dans le peloton professionnel ?

Actuellement, non. Je pense que ça a existé par le passé cependant. Je suis arrivé chez les pros en 1981. Mais les tricheurs ont toujours eu un temps d’avance sur les contrôleurs. A tous les niveaux. Et puis, à une certaine époque ils n’avaient pas besoin d’avoir ce temps d’avance car les chasseurs ne faisaient pas le boulot. Aujourd’hui, je pense que c’est cuit pour les tricheurs. Je pense que ça a existé, même s'il faut toujours laisser le bénéfice du doute. La nana qui fait croire que c’est le vélo d’un copain devait savoir comment appuyer sur le bouton. Rien qu’avec le poids on doit se douter qu'il y a un moteur. Faut arrêter de prendre des gens pour des cons (sic). Personne n'est dupe des mecs qui changeaient des vélos en bas des cols ou entre deux secteurs pavés. Mais c’est déjà une époque révolue.

 

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