ITW - Guimard : «Kruijswijk était le plus fort de ce Giro»
Par Valentin GLO & Valentin NUNES le 30/05/2016 à 09:29
Vidéo - Esteban Chaves : "Je garde les pieds sur terre"
Le 99e Tour d'Italie s'est achevé ce dimanche 29 mai avec la victoire finale de l'Italien Vincenzo Nibali (Astana). Le Requin de Messine a remporté le Giro pour la seconde fois de sa carrière devant le Colombien Esteban Chaves (ORICA-GreenEDGE) et l'Espagnol Alejandro Valverde (Movistar). Cyrille Guimard, vainqueur à sept reprises du Tour de France en tant que directeur sportif et chroniqueur chez RMC Sport et BFM TV mais également chez Cyclism'Actu, revient sur les performances de ces coureurs ainsi que sur celles du Néerlandais Steven Kruijswijk (Team LottoNL-Jumbo) avant de s'étendre sur l'accident causée par une moto sur le Tour de Belgique.
"Nous avons été compétitifs sur les trois semaines et c'était le premier objectif. J'ai gagné l'étape-reine et je termine sur le podium, je suis très content mais je garde les pieds sur terre car je sais le travail que j'ai effectué pour y parvenir. Beaucoup de choses sont encore à venir et, dès demain, je tournerai la page du Giro pour me concentrer sur les prochains objectifs", déclarait Esteban Chaves après la dernière étape du Giro.
"Nibali au Tour de France ? Une mauvaise idée"
Pour gagner, il faut de la réussite. Ce Giro était révélateur des limites de Vincenzo Nibali : à aucun moment il n'a été capable de faire la différence, excepté lorsque Kruijswijk a été éliminé sur chute. Sans cela, Nibali n'aurait jamais gagné. Il faut savoir éviter tous les pièges. Sur les deux derniers jours, il n'a pas été transcendant, ce sont ses adversaires qui étaient dans l'incapacité d'augmenter leur niveau. Esteban Chaves a été limité dans tous les grands cols. La victoire de Nibali n'est pas un grand cru, il s'impose par défaut. On remarquera la troisième place d'Alejandro Valverde. Stratégiquement, ce serait une mauvaise idée pour Nibali d'aller sur le Tour de France. S'il se prend un râteau sur le Tour, cela va dévaluer sa victoire sur le Giro. Il s'est déjà préparé un alibi à une contre-performance car, il ne faut pas rêver, il ne va pas venir pour aider Fabio Aru. S'il perd, il pourra dire : "Je vous l'avais dit". Il ne faut pas écouter ce genre de discours.
"Quintana aurait déjà dû gagner le Tour"
Esteban Chaves doit prendre un peu plus de volume par rapport à Nairo Quintana qui reste une valeur sûre. Ce dernier devrait d'ailleurs déjà avoir gagné le Tour de France. Les stratégies de course de l'équipe Movistar par rapport à Valverde ne sont pas claires. Sans Valverde, il peut gagner en 2013. C'est dommage que Quintana soit aussi mal posé sur le vélo, c'est un vrai manque d'efficacité, je ne sais pas comment il fait. Concernant Chaves, je pense que lorsqu'on termine deuxième du Giro, on peut briller sur le Tour de France. Un accident n'est jamais un avantage, mais on ne perd pas son potentiel, il faut travailler pour le retrouver. Il y a cette nouvelle génération avec Quintana, Chaves, Kruijswijk ou Pinot, c'est intéressant, surtout s'ils sont tous là sur le Tour en 2017.
"Kruijswijk était le plus fort sur ce Giro"
Au niveau de la régularité, il manque quelque chose à Alejandro Valverde pour gagner les grands Tours, aussi bien en contre-la-montre qu'en haute montagne. Il est bien sur les cols en-dessous de 2000 mètres mais il ne peut pas attaquer dans un grand col. Il s'en sort cependant très bien en suivant. À 36 ans, sa performance est très bonne. Steven Kruijswijk a 28 ans et a passé pratiquement deux ans sans courir. Il ne pouvait pas être à 100%, ce n'est pas une surprise. Sur ce Giro, il retrouve un niveau qui aurait dû être le sien. Il tombe parce qu'il a peur, il manque d'un peu de calme, un peu trop réactif, peut-être parce qu'il était trop euphorisant. Son équipe, la formation LottoNL-Jumbo, imaginait un seulement un top 10, pas mieux. Il avait d'ailleurs déjà terminé dans les dix premiers en 2011. Cette année, il était le plus fort. Il avait ce potentiel mais il a connu des problèmes vasculaires. C'est la révélation, il se positionne pour les autres grands Tours. L'autre révélation c'est la montée en puissance des coureurs russes qui commencent à s'affirmer sur les grands Tours.
"Les routes ne sont plus adaptées aux courses cyclistes"
L'accident au Tour de Belgique, il faut regarder ça avec du recul, c'est la loi des séries. Le problème, c'est que lorsque l'on veut assurer une sécurité à 100%, on va créer d'autres points de fragilité. Si on veut placer un signaleur à chaque rond-point, il est obligé de redoubler le peloton. On rajoute des motos pour assurer la sécurité en plus de celles déjà en position. Tant qu'on voudra mettre des motards à chaque carrefour, on s'expose par obligation. Quelque chose va devoir être étudié à ce niveau là car vous ne pouvez pas faire une course de vélos sans motos. Il faut un cahier des charges de la sécurité, quelles que soient les courses. On ne doit pas seulement analyser l'accident, il faut avoir une refléxion. Il ne faut pas se retrouver avec 400 motos, il faudra peut-être penser à mettre en place un code de la route pour permettre aux motos de remonter sans mettre en danger tout le monde. C'est une vraie problématique. Si demain les motards disent qu'on arrête tout, il sera impossible d'organiser des courses. Au-delà de l'accident, plus que regrettable, la question est de savoir comment organiser une course de vélos aujourd'hui sur la route. C'est trop dangereux : les routes ne sont plus adaptées à la compétition cycliste.
Propos recueillis par Valentin Glo pour Cyclism'Actu.