Chronique - Moncoutié : «Impatient d'être en 2015»

 

Vidéo - David Moncoutié sur le Tour de France 2013

Nous voici en fin de saison. L'heure des bilans pour les suiveurs de la petite reine et cela tombe bien puisque David Moncoutié, multiple lauréat du maillot à pois sur la Vuelta et chroniqueur pour Eurosport livre en exclusivité pour Cyclism'actu son bilan de la saison 2014. Les 3 grands Tours à la loupe, les coureurs qui ont animé 2014 et ses attentes concernant 2015, voici le programme de la dernière chronique de 2014... C'est parti !

 

Des favoris souvent au tapis

 

Les 3 grands Tours ont connu dans l'ensemble des trajectoires assez similaires. Et le premier événement qui me vient à l'esprit, ce sont les chutes des différents favoris sur les trois épreuves. Qu'il s'agisse de Joaquim Rodriguez sur le Giro, Froome et Contador sur le Tour ou encore Quintana sur la Vuelta, les leaders n'ont pas été épargnés. On dit que la chute est parfois due à la malchance, mais ce sont aussi des erreurs. L'excès d'engagement et les attentes poussent parfois les coureurs à la faute comme Contador dans la descente donc, ou bien Quintana lors de son contre-la-montre. Ce fut récurent en 2014 et c'est à souligner !

 

La France a connu une année pleine

 

Un des autres faits marquants reste la présence des français sur l'ensemble des trois grands Tours. Rolland sur le Giro, Péraud, Pinot et Bardet sur le Tour et enfin Barguil sur la Vuelta ont réalisé un exploit qui datait dans le camp français, celui de placer un coureur dans le top 10 de chacun des trois grands Tours. 

La France est clairement de retour parmi les grandes nations du cyclisme. Maintenant, le peloton s'est internationalisé, ce qui rend les victoires encore plus compliquées à décrocher. Nous sommes présents partout. La route, mais aussi la piste avec François Pervis, le VTT avec Absalon et même chez les féminines grâce à Pauline Ferrand-Prévot, 2014 a été une année pleine.

 

Le Giro a été une nouvelle fois spectaculaire

 

Le Giro a sacré le coureur qui était mon favori n°1 au départ, Nairo Quintana. Il a fait une réelle différence en 3e semaine et a montré qu'il était parmi les tous meilleurs grimpeurs du peloton, au-dessus d'un Uran sur qui il avait concédé du temps au fil des premières étapes du Giro. Uran est plus complet mais la très haute montagne le limite face au petit Colombien de la Movistar. Quant à l'épisode "des drapeaux", je pense que cela fait partie de la course. C'est toujours plus facile de juger quand on est observateur et pas acteur. On ne sait pas vraiment ce qu'il s'est passé mais je pense néanmoins qu'il était le plus fort, en atteste sa victoire sur le contre-la-montre en côte.

Depuis John Gadret, aucun français n'avait réellement influé sur la course en montagne. C'est fait grâce à Pierre Rolland. Je ne l'attendais pas si haut, surtout avec le Tour qui l'attendait derrière. L'autre français à avoir fait briller nos couleurs en Italie aura été Nacer Bouhanni. La France est désormais apte à briller dans les classements généraux et sur les étapes.

Cadel Evans a eu du mal à lutter jusqu'au bout. Il faut dire qu'il est vieillissant. Il existe des coureurs comme Horner à qui le temps ne fait pas peur, mais bien souvent la réalité de l'âge rattrape les coureurs. Il se sera tout de même bien battu. Il pouvait se permettre d'y croire après son Tour du Trentin satisfaisant. 

Enfin, comment revenir sur ce Giro et ne pas parler des chutes ? Dan Martin s'est affirmé comme un grand coureur de classiques, il doit faire preuve de plus de régularité sur trois semaines. Il doit encore prouver sur un grand Tour. Ce ne fut pas l'abandon d'un grand favori, et si son abandon n'a pas changé la donne pour la victoire finale car Nairo Quintana était un cran au-dessus, il aurait tout de même été présent parmi les coureurs visant un top 10. Enfin, l'autre chute importante de ce Giro restera celle de Purito. Déjà tombé sur les classiques, le petit grimpeur espagnol n'a vraiment pas eu un printemps facile. 

 

Un Tour de France... Surprenant !

 

On retient bien évidemment les 2 places de Péraud et Pinot, mais le vainqueur aussi n'est pas vraiment celui qui était attendu au départ. Avec l'abandon de Froome et Contador, c'était la voie royale pour Vincenzo Nibali. Avec 2 minutes d'avance, c'était déjà bien parti, mais on ne saura jamais si Contador aurait pu lui poser problème. Ce n'est jamais évident de voir l'ensemble des grands leaders sortir indemnes de la première semaine

Un coureur qui a animé le Tour, c'est Rafal Majka. Il a bien récupéré de son Giro, il a aussi bien récupéré lors de la première semaine. Il a eu une approche décontractée avec un statut de coéquipier, des objectifs en tête. Avec sa forme, il aurait peut-être pu envisager un podium. L'abandon de Contador a changé beaucoup de choses pour lui. Il a finalement fait le combo parfait en jouant le général d'un premier grand Tour et les étapes sur un second. 

Ce n'était peut-être pas une révélation, mais au moins une confirmation. Leopold Konig a réalisé de belles choses. Le palier à franchir pour un podium est encore gros, et il semble s'être destiné à un rôle d'équipier de luxe pour la Sky, un choix peut-être financier on ne sait pas, n'en reste pas moins qu'il est un bon coureur qui peut être capable de jouer un peu plus haut dans l'avenir.

Enfin, il faut parler de l'omniprésence des français à l'avant avec Péraud, Pinot et Bardet qui avec des styles différents ont su animer la course. Ils ont pris conscience qu'ils étaient capables d'attaquer parmi les meilleurs dès les premières étapes de montagne. 

 

La Vuelta, Alberto Contador se fait justice

 

C'était selon moi le grand Tour le plus difficile cette saison. Si Contador et Froome n'étaient peut-être pas à 100%, nous avons eu une belle course, avec le retour du grand Contador qui a fait une très bonne saison. Il n'a pas pu remporter le Tour et s'est rabattu sur la Vuelta, avec l'ambition de la gagner. Sa blessure et la communication qui a été faite autour, ce n'était pas vraiment de l'intox. Contador n'a pas besoin de ça. Il est à surveiller dès le premier jour. 

Mon seul petit regret finalement, c'est l'abandon de Quintana. J'aurais bien voulu voir un duel avec Contador sur les pentes espagnoles, j'ai donc vraiment hâte d'être en 2015 ! Avec Valverde en lieutenant, il aurait vraiment pu influer sur la course.

Côté français, comment ne pas parler de Bouhanni, une nouvelle fois. Il s'est imposé certes, mais la performance qui m'a le plus marqué est sa 5e place sur une étape où on ne l'attendait vraiment pas. Cette performance lui ouvre un panel d'objectifs qui peut dépasser les simples étapes de grands Tours, je pense à Milan-San Remo par exemple. Il doit avoir dans la tête qu'il a un profil de sprinteur qui est un peu plus grimpeur que des coureurs du gabarit du Kittel par exemple.

 

Ils ont marqué 2014

 

La force collective d'Omega Pharma Quickstep sur les classiques pavées a été de nouveau prouvée avec la victoire de Terpstra sur Paris-Roubaix. Terpstra a le même profil qu'un Chavanel qui aurait pu gagner un Tour des Flandres à l'époque. Il faut vraiment garder en tête que les classiques demandent de la réussite et Terpstra a su saisir sa chance. 

En 2014, il y a des présents et des absents. Betancur a réussi à passer de l'un à l'autre. Sur ce qu'il a pu montrer sur le Giro 2013, on pourrait attendre de lui encore plus. Il a de grandes qualités, mais aussi de grandes faiblesses. Il peut passer à côté de sa carrière.

Valverde a été impressionnant de régularité, du début à fin, classiques, deux grands Tours. Sur une journée, il est parmi les meilleurs mais tombe aussi souvent sur un coureur meilleur que lui. Il court d'une manière pour être placé tout le temps. Un peu d'attentisme parfois mais avec une grosse pancarte, on ne peut pas vraiment lui reprocher. Courir parfois à l'économie, c'est aussi peut-être grâce à ça qu'il est présent sur l'ensemble de l'année.

Enfin, Kristoff s'affirme. On oublie souvent de le citer mais il est capable de passer les bosses, aussi bien dans les étapes que dans les classiques. Un peu sous-côté, ce n'est pas le plus médiatique mais le Kristoff des grands jours fait partie de cette caste des grands sprinters. C'est finalement le coureur qui se rapproche le plus du profil de Nacer Bouhanni.

2014 s'est achevé avec le boum du record de l'heure grâce au changement de règles, repartant presque de zéro. J'ai toujours été dans le vélo plaisir, les chevauchées en montagne et les spectateurs. Là c'est le vélo pur et dur, sans tactique de course. Pas forcément les mêmes frissons que lors d'une étape en ligne. Autrement dit... Je ne l'aurais pas tenté !

 

Tourné vers 2015

 

On espère tous que les français poursuivent la lancée. L'étape supérieure pour moi serait de gagner un grand Tour, ou un monument. C'est pour moi clairement le seul moyen de faire mieux qu'actuellement.

Enfin, d'un point de vue international, j'attends avec impatience 2015 pour voir l'affrontement des quatre grands coureurs de Tours : Nibali, Froome, Contador et Quintana. Voir qui sera le plus fort de ce Tour de France montagneux sera intéressant, mais encore faut-il qu'ils passent tous la première semaine sans encombre !