Bilan classiques #2 - Valverde gagne, Alaphilippe régale
Par Sam MYON le 28/04/2015 à 20:12
Vidéo - Julian Alaphilippe avant les classiques
Suite et fin de notre bilan des classiques du printemps avec la semaine ardennaise et une revue générale du mois écoulé. Des ardennaises qui ont placé un Espagnol encore un peu plus dans la très grande histoire du cyclisme mais qui ont aussi révélé aux yeux du grand public le talent et toute la classe d'un jeune Français de 22 ans. La campagne exceptionnelle de l'équipe Etixx-Quick Step figure également parmi nos faits marquants. Le moment est bientôt venu de tourner la page pour s'attaquer au chapitre des Grands Tours.
Quelle place dans l'histoire pour Valverde ?
Le palmarès du Murcien fait mal aux yeux, donne le tournis. Cette année encore, Alejandro Valverde a sorti le grand jeu sur les ardennaises. Il a remporté ses cinquième et sixième classiques de ce type en s’imposant sur la Flèche Wallonne puis quatre jours plus tard sur Liège-Bastogne-Liège, portant à huit ses succès toutes classiques World Tour confondues.
L’Espagnol a prouvé une fois de plus qu’il était l’un des meilleurs puncheurs des dernières décennies, peut-être même l’un des meilleurs de l’histoire. Ils sont peu nombreux à avoir terminé à treize reprises (sa troisième place sur Liège en 2010 lui ayant été retirée) sur le podium du triptyque Amstel-Flèche-Liège. 2e de l’Amstel en plus de ses deux victoires, il a parfaitement assumé son statut de favori.
Ces huit jours lui ont également permis de redevenir le numéro un mondial au classement UCI, place qu’il occupait à l’issue de l’année 2014. Reste à savoir s’il parviendra un jour à gagner l’Amstel-Gold-Race qui se refuse à lui chaque année.
La semaine peu classique d'Alaphilippe
À seulement 22 ans, Julian a tout d’un grand. En octobre 2013, il s’amusait sur un critérium pluvieux à Levallois-Perret. Il courait déjà sous le maillot d'Etixx mais qui était à l’époque l’équipe réserve d'Oméga Pharma-Quick Step. Cette année, il explose tout en apprenant aux côtés des meilleurs coureurs du monde que sont Kwiatkowski, Cavendish, Martin, Uran et beaucoup d'autres. Excusez du peu ! Avec ces types de coureurs, il en a pour tous les goûts : puncheur, sprinteur, rouleur et même grimpeur.
Si lui se décrit comme un puncheur, il est certainement plus que cela. Le Français peut compter sur une bonne pointe de vitesse qui lui donne la possibilité de régler un petit groupe au sprint. En Belgique, il n’est pas passé loin de décrocher la timbale dès cette saison. 7e d’un Amstel remporté par son coéquipier (voir plus bas), 2e de la Flèche Wallonne et de Liège-Bastogne-Liège derrière un sextuple vainqueur, les ardennaises sont taillées pour ses qualités. Milan-San Remo pourrait également bien lui convenir dans le futur.
Il sera intéressant d’observer son attitude sur les classiques de deuxième partie de saison. La France tient un joyaux, la Belgique en a les clés. Cyclism'Actu s'était d'ailleurs entretenu avec lui après la Flèche Wallonne.
Kwiatkowski est-il déjà un beau champion du monde ?
Une victoire en classique, maillot arc-en-ciel sur le dos vous classe-t-elle parmi les "beaux" champions du monde de l’histoire ? Oui mais à condition qu’elle ne soit pas qu’un coup d’éclat. En jetant un coup d’oeil sur les premiers mois du Polonais Michal Kwiatkowski avec cette tunique, c’est un bilan ultra-positif qui saute aux yeux. Vainqueur de l’Amstel Gold Race, du prologue de Paris-Nice (2e du général), 2e du Tour de l’Algarve, mais aussi 8e du Tour du Pays Basque et 4e sur la semi-classique À Travers les Flandres. Pas mal pour un coureur qui n'a pas encore fêté ses 25 ans. Liège reste sa seule déception, mais elle a offert à un jeune coéquipier français la chance de se sublimer.
Kwiatkowski apparaît comme le meilleur représentant, du moins le plus complet de cette génération dorée de 1990. Son objectif désormais ? Le Tour de France avec en ligne de mire une première victoire d’étape, et le port d'un maillot jaune qui le fait rêver. À priori la "malédiction du maillot arc-en-ciel" ne semble pas l’affecter.
Les ardennaises sont-elles devenues trop ennuyeuses ?
Cela revient souvent dans les commentaires, ces épreuves ne se résument-elles pas trop souvent à des courses de côtes ? Un petit écrémage au cours de "205 bornes qui ne servent à rien" pour finalement arriver à trente au pied de la dernière bosse. Les chiffres confirment cette tendance, du moins pour l’Amstel Gold Race et la Flèche Wallonne. Pour la première, Serguei Ivanov (2009) et Roman Kreuziger (2013) ne sont que les trop rares victoires qui sont venues récompenser une attaque avant le Cauberg. Quant à la Flèche Wallonne, tout le monde connaît le dénouement à l’avance. Cela fait douze ans maintenant (depuis le succès d’Astarloa en 2003) que le vainqueur au sommet du Mur de Huy figure encore dans un peloton au pied…
Mais alors, que faire pour redynamiser ces courses ? Les organisateurs d’ASO ont essayé une nouvelle trouvaille sur la Flèche avec la côte de Cherave. Premier essai réussi cette année puisqu’elle a permis à Tim Wellens de prendre quelques longueurs d’avance et a réduit le peloton à une trentaine de prétendants.
Rajouter des difficultés ? Finir sur du plat ? Pas sûr que cela changerait grand-chose, la preuve avec Liège-Bastogne-Liège. Si la performance du jeune Alaphilippe n’avait pas éclipsée la course en elle-même (ou du moins attisée les regards), qu’aurions-nous dit ? La Doyenne n’a jamais vraiment décollé avant la dernière côte de Saint-Nicolas et ils étaient encore une quinzaine à se présenter pour un sprint à Ans.
Chutes, le bilan est lourd
Nous vous parlions dans la première partie de ce papier des chutes qui avaient contraint Tom Boonen et Fabian Cancellara à renoncer aux flandriennes. Ce ne sont malheureusement pas les seules qui ont marqué les classiques cru 2015. Tout le monde a en tête celles de Jesse Sergent et de Sébastien Chavanel sur le Tour des Flandres, les deux hommes avaient été renversés par des voitures suiveuses.
Du côté des favoris, ils sont nombreux à avoir abandonné tout rêve de victoire après avoir goûté le bitûme. Parmi eux, Geraint Thomas (Roubaix), Philippe Gilbert, Chris Froome, Dan Martin, Jelle Vanendert (Flèche Wallonne), Simon Gerrans, Nicolas Roche, Frank Schleck et Dan Martin encore lui (Liège) sont venus alourdir le bilan des chutes.
Etixx-Quick Step, l’équipe qui marque des points
S’il n’y en avait qu’une à retenir, ce serait celle-ci. La formation Etixx-Quick Step n’a remporté qu’une seule des huit classiques possibles à cette période de l’année, certes, mais elle a placé un coureur dans les deux premiers sur chacune d’entre elles. Zdenek Stybar (2e) et Matteo Trentin (3e) sur l’E3, Niki Terpstra (2e) à Wevelgem et aux Flandres, puis à nouveau Stybar (2e) à Roubaix ou bien encore Julian Alaphilippe (2e) sur la Flèche et Liège sont passés tout près de concrétiser. C’est donc Michal Kwiatkowski qui a rapporté l’unique bouquet à son équipe malgré une grosse collection de places d’honneur. Et encore, quatre autres top 10 sont venus s’ajouter à ce bilan…
Entre la déception de ne pas avoir levée les bras plus souvent et le sentiment d’une campagne aboutie, l’équipe belge peut se tourner vers les Grands Tours sereinement avec le statut de l'équipe n°1 mondial.
La France au rendez-vous
Un bon bilan dans l’ensemble, mais surtout très encourageant. La France a bien entamé son printemps avec deux coureurs dans les dix premiers de Milan-San Remo (Bouhanni 6e et Gallopin 9e) et du GP E3 Harelbeke (Chavanel 6e et Turgot 10e). Pour le reste, les Flandres furent plus compliquées ! Damien Gaudin s’est montré offensif sur le Ronde, tout comme Alexis Gougeard (21 ans) sur Paris-Roubaix. Ce dernier, avec Florian Sénéchal (17e sur le vélodrome) se sont donnés rendez-vous à l’avenir sur l’Enfer du Nord. La FDJ a de son côté joué de malchance, certes indissociable des courses du Nord, mais de là à imaginer que Sébastien Chavanel se fasse renverser par une voiture… Tiens, nous aurions presque pu consacrer une partie à l’organisation, mais heureusement les ardennaises ont rehaussé le niveau !
Sur celles-ci justement, il y a bien sûr eu la révélation du talent d’Alaphilippe pour ce type de profil (voir plus haut) mais aussi la très encourageante 6e place d’Alexis Vuillermoz au sommet du Mur de Huy et la belle prestation de Romain Bardet vers Ans. Peut-être le meilleur bilan pour la France ces dernières années.
